Aller au contenu

Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/292

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pour la dignité du discours, pour la beauté de la morale et des sentiments, il n’y a rien par exemple que l’on puisse comparer à S. Augustin, que Platon et que Cicéron.

22 (VII)

L’homme est né menteur : la vérité est simple et ingénue, et il veut du spécieux et de l’ornement. Elle n’est pas à lui, elle vient du ciel toute faite, pour ainsi dire, et dans toute sa perfection ; et l’homme n’aime que son propre ouvrage, la fiction et la fable. Voyez le peuple : il controuve, il augmente, il charge par grossièreté et par sottise ; demandez même au plus honnête homme s’il est toujours vrai dans ses discours, s’il ne se surprend pas quelquefois dans des déguisements où engagent nécessairement la vanité et la légèreté, si pour faire un meilleur conte, il ne lui échappe pas souvent d’ajouter à un fait qu’il récite une circonstance qui y manque. Une chose arrive aujourd’hui, et presque sous nos yeux : cent personnes qui l’ont vue la racontent en cent façons différentes ; celui-ci, s’il est écouté, la dira encore d’une manière qui n’a pas été dite. Quelle créance donc pourrais-je donner à des faits qui sont anciens et éloignés de nous par plusieurs siècles ? quel fondement dois-je faire sur les plus graves historiens ? que devient l’histoire ? César a-t-il été massacré au milieu du sénat ? y a-t-il eu un César ? « Quelle conséquence ! me dites-vous ; quels doutes ! quelle demande ! » Vous riez, vous ne