Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/294

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ainsi parler, de ses actions, c’est aller plus loin que les anciens philosophes, que les Apôtres, que les premiers docteurs, mais ce n’est pas rencontrer si juste ; c’est creuser longtemps et profondément, sans trouver les sources de la vérité. Dès qu’on a abandonné les termes de bonté, de miséricorde, de justice et de toute-puissance, qui donnent de Dieu de si hautes et de si aimables idées, quelque grand effort d’imagination qu’on puisse faire, il faut recevoir les expressions sèches, stériles, vides de sens ; admettre les pensées creuses, écartées des notions communes, ou tout au plus les subtiles et les ingénieuses ; et à mesure que l’on acquiert d’ouverture dans une nouvelle métaphysique, perdre un peu de sa religion.

24 (IV) Jusques où les hommes ne se portent-ils point par l’intérêt de la religion, dont ils sont si peu persuadés, et qu’ils pratiquent si mal !

25 (IV)

Cette même religion que les hommes défendent avec chaleur et avec zèle contre ceux qui en ont une toute contraire, ils l’altèrent eux-mêmes dans leur esprit par des sentiments particuliers : ils y ajoutent et ils en retranchent mille choses souvent essentielles, selon ce qui leur convient, et ils demeurent fermes et inébranlables dans cette forme qu’ils lui ont donnée. Ainsi, à parler populairement, on peut dire d’une seule nation qu’elle vit sous un même culte, et qu’elle n’a qu’une seule religion ;