Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/342

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me lisent, et les dégoûter des applications. Voilà la conduite que j’ai tenue dans la composition des Caractères.

Sur ce qui concerne la harangue, qui a paru longue et ennuyeuse au chef des mécontents, je ne sais en effet pourquoi j’ai tenté de faire de ce remerciement à l’Académie française un discours oratoire qui eût quelque force et quelque étendue. De zélés académiciens m’avaient déjà frayé ce chemin ; mais ils se sont trouvés en petit nombre ; et leur zèle pour l’honneur et pour la réputation de l’Académie n’a eu que peu d’imitateurs. Je pouvais suivre l’exemple de ceux qui, postulant une place dans cette compagnie sans avoir jamais rien écrit, quoiqu’ils sachent écrire, annoncent dédaigneusement, la veille de leur réception, qu’ils n’ont que deux mots à dire et qu’un moment à parler, quoique capables de parler longtemps et de parler bien.

J’ai pensé au contraire qu’ainsi que nul artisan n’est agrégé à aucune société, ni n’a ses lettres de maîtrise sans faire son chef-d’œuvre, de même et avec encore plus de bienséance, un homme associé à un corps qui ne s’est soutenu et ne peut jamais se soutenir que par l’éloquence, se trouvait engagé à faire, en y entrant, un effort en ce genre, qui le fît