Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/341

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une même personne, j’en ai fait des peintures vraisemblables, cherchant moins à réjouir les lecteurs par le caractère, ou comme le disent les mécontents, par la satire de quelqu’un, qu’à leur proposer des défauts à éviter et des modèles à suivre.

Il me semble donc que je dois être moins blâmé que plaint de ceux qui par hasard verraient leurs noms écrits dans ces insolentes listes, que je désavoue et que je condamne autant qu’elles le méritent. J’ose même attendre d’eux cette justice, que sans s’arrêter à un auteur moral qui n’a eu nulle intention de les offenser par son ouvrage, ils passeront jusqu’aux interprètes, dont la noirceur est inexcusable. Je dis en effet ce que je dis, et nullement ce qu’on assure que j’ai voulu dire ; et je réponds encore moins de ce qu’on me fait dire, et que je ne dis point. Je nomme nettement les personnes que je veux nommer, toujours dans la vue de louer vertu ou leur mérite ; j’écris leurs noms en lettres capitales, afin qu’on les voie de loin, et que le lecteur ne coure pas risque de les manquer. Si j’avais voulu mettre des noms véritables aux peintures moins obligeantes, je me serais épargné le travail d’emprunter les noms de l’ancienne histoire, d’employer des lettres initiales, qui n’ont qu’une signification vaine et incertaine, de trouver enfin mille tours et mille faux-fuyants pour dépayser ceux qui