Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/348

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relever le mérite de celui que l’on veut peindre, que pour montrer tout le feu et toute la vivacité de l’orateur. Suivez le règne de Louis le Juste : c’est la vie du cardinal de Richelieu, c’est son éloge et celui du prince qui l’a mis en œuvre. Que pourrais-je ajouter à des faits encore récents et si mémorables ? Ouvrez son Testament politique, digérez cet ouvrage : c’est la peinture de son esprit ; son âme tout entière s’y développe ; l’on y découvre le secret de sa conduite et de ses actions ; l’on y trouve la source et la vraisemblance de tant et de si grands événements qui ont paru sous son administration : l’on y voit sans peine qu’un homme qui pense si virilement et si juste a pu agir sûrement et avec succès, et que celui qui a achevé de si grandes choses, ou n’a jamais écrit, ou a dû écrire comme il a fait.

Génie fort et supérieur, il a su tout le fond et tout le mystère du gouvernement ; il a connu le beau et le sublime du ministère ; il a respecté l’étranger, ménagé les couronnes, connu le poids de leur alliance ; il a opposé des alliés à des ennemis ; il a veillé aux intérêts du dehors, à ceux du dedans. Il n’a oublié que les siens : une vie laborieuse et languissante, souvent exposée, a été le prix d’une si haute vertu ; dépositaire des trésors de son maître, comblé de ses bienfaits, ordonnateur, dispensateur de ses finances, on ne saurait dire qu’il est mort riche.