Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/63

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du bien à tant de milliers d’hommes ! Quel dangereux poste que celui qui expose à tous moments un homme à nuire à un million d’hommes !

3I (VII)

Si les hommes ne sont point capables sur la terre d’une joie plus naturelle, plus flatteuse et plus sensible, que de connaître qu’ils sont aimés, et si les rois sont hommes, peuvent-ils jamais trop acheter le cœur de leurs peuples ?

32 (I)

Il y a peu de règles générales et de mesures certaines pour bien gouverner ; l’on suit le temps et les conjonctures, et cela roule sur la prudence et sur les vues de ceux qui règnent : aussi le chef-d’œuvre de l’esprit, c’est le parfait gouvernement ; et ce ne serait peut-être pas une chose possible, si les peuples, par l’habitude où ils sont de la dépendance et de la soumission, ne faisaient la moitié de l’ouvrage.

33 (I) Sous un très grand roi, ceux qui tiennent les premières places n’ont que des devoirs faciles, et que l’on remplit sans nulle peine : tout coule de source ; l’autorité et le génie du prince leur aplanissent les chemins, leur épargnent les difficultés, et font tout prospérer au delà de leur attente : ils ont le mérite de subalternes.

34 (V)

Si c’est trop de se trouver chargé d’une seule famille, si c’est assez d’avoir à répondre de soi seul, quel poids, quel accablement, que celui de tout un royaume ! Un souverain est-il payé de ses peines