Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/89

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la nuit. Elle lui demande pourquoi elle devient pesante, et quel remède ; l’oracle répond qu’elle doit se lever avant midi, et quelquefois se servir de ses jambes pour marcher. Elle lui déclare que le vin lui est nuisible : l’oracle lui dit de boire de l’eau ; qu’elle a des indigestions : et il ajoute qu’elle fasse diète. « Ma vue s’affaiblit, dit Irène. — Prenez des lunettes, dit Esculape. — Je m’affaiblis moi-même, continue-t-elle, et je ne suis ni si forte ni si saine que j’ai été. — C’est, dit le dieu, que vous vieillissez. — Mais que moyen de guérir de cette langueur ? — Le plus court, Irène, c’est de mourir, comme ont fait votre mère et votre aïeule. — Fils d’Apollon, s’écrie Irène, quel conseil me donnez-vous ? Est-ce là toute cette science que les hommes publient, et qui vous fait révérer de toute la terre ? Que m’apprenez-vous de rare et de mystérieux ? et ne savais-je pas tous ces remèdes que vous m’enseignez ? — Que n’en usiez-vous donc, répond le dieu, sans venir me chercher de si loin, et abréger vos jours par un long voyage ? »

36 (I)

La mort n’arrive qu’une fois, et se fait sentir à tous les moments de la vie : il est plus dur de l’appréhender que de la souffrir.

37 (V)

L’inquiétude, la crainte, l’abattement n’éloignent pas la mort, au contraire : je doute seulement que le ris excessif convienne aux hommes, qui sont mortels.