Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/95

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où ils sont vifs, appliqués, exacts, amoureux des règles et de la symétrie, où ils ne se pardonnent nulle faute les uns aux autres, et recommencent eux-mêmes plusieurs fois une seule chose qu’ils ont manquée : présages certains qu’ils pourront un jour négliger leurs devoirs, mais qu’ils n’oublieront rien pour leurs plaisirs.

56 (IV)

Aux enfants tout paraît grand, les cours, les jardins, les édifices, les meubles, les hommes, les animaux ; aux hommes les choses du monde paraissent ainsi, et j’ose dire par la même raison, parce qu’ils sont petits.

57 (IV)

Les enfants commencent entre eux par l’état populaire, chacun y est le maître ; et ce qui est bien naturel, ils ne s’en accommodent pas longtemps, et passent au monarchique. Quelqu’un se distingue, ou par une plus grande vivacité, ou par une meilleure disposition du corps, ou par une connaissance plus exacte des jeux différents et des petites lois qui les composent ; les autres lui défèrent, et il se forme alors un gouvernement absolu qui ne roule que sur le plaisir.

58 (IV)

Qui doute que les enfants ne conçoivent, qu’ils ne jugent, qu’ils ne raisonnent conséquemment ? Si c’est seulement sur de petites choses, c’est qu’ils sont enfants, et sans une longue expérience ; et si c’est en mauvais termes, c’est moins leur faute que celle de leurs parents ou de leurs maîtres.