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Page:La Bruyère - Les Caractères, Flammarion, 1880.djvu/328

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qui refusent les petits présents, qui n’écoutent ni leurs parents ni leurs amis, et que les femmes seules peuvent corrompre !

55 (I)

Il n’est pas absolument impossible qu’une personne qui se trouve dans une grande faveur perde un procès.

56 (V)

Les mourants qui parlent dans leurs testaments peuvent s’attendre à être écoutés comme des oracles ; chacun les tire de son côté et les interprète à sa manière, je veux dire selon ses désirs ou ses intérêts.

57 (V)

Il est vrai qu’il y a des hommes dont on peut dire que la mort fixe moins la dernière volonté qu’elle ne leur ôte avec la vie l’irrésolution et l’inquiétude. Un dépit, pendant qu’ils vivent, les fait tester ; ils s’apaisent et déchirent leur minute, la voilà en cendre. Ils n’ont pas moins de testaments dans leur cassette que d’almanachs sur leur table ; ils les comptent par les années. Un second se trouve détruit par un troisième, qui est anéanti lui-même par un autre mieux digéré, et celui-ci encore par un cinquième olographe. Mais si le moment, ou la malice, ou l’autorité manque à celui qui a intérêt de le supprimer, il faut qu’il en essuie les clauses et les conditions ; car appert-il mieux des dispositions des hommes les plus inconstants que par un dernier acte, signé de leur main, et après lequel ils n’ont pas du moins eu le loisir de vouloir tout le contraire ?

58 (V)

S’il n’y avait point de testaments pour régler le droit des héritiers, je ne sais si l’on aurait besoin de tribunaux pour régler les différends des hommes : les juges seraient presque réduits à la triste fonction d’envoyer au gibet les voleurs et les incendiaires. Qui voit-on dans les lanternes des chambres, au parquet, à la porte ou dans la salle du magistrat ? des héritiers ab intestat ? Non, les lois ont pourvu à leurs partages. On y voit les testamentaires qui plaident en explication d’une clause ou d’un article, les personnes exhérédées, ceux qui se plaignent d’un testament fait avec loisir, avec maturité, par un homme grave, habile, consciencieux, et qui a été aidé d’un bon conseil : d’un acte où le praticien n’a rien obmis de son jargon et de ses finesses ordinaires ; il est signé du testateur et des témoins publics, il est parafé :