Page:La Bruyere - Caracteres ed 1696.djvu/117

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

y eſt trop grande, & il refuſe plus de femmes qu’il n’en agrée ; mais vous avez Dracon, le joueur de flûte : nul autre de ſon métier n’enfle plus décemment ſes joues en ſoufflant dans le hautbois ou le flageolet, car c’eſt une choſe infinie que le nombre des inſtruments qu’il foit parler ; plaiſant d’ailleurs, il foit rire juſqu’aux enfants & aux femmelettes. Qui mange & qui boit mieux que Dracon en un ſeul repas ? Il enivre toute une compagnie, & il ſe rend le dernier. Vous ſoupirez, Lélie : eſt-ce que Dracon auroit foit un choix, ou que malheureuſement on vous auroit prévenue ? Se ſerait-il enfin engagé à Céſonie, qui l’a tant couru, qui luy a ſacrifié une ſi grande foule d’amants, je dirai meſme toute la fleur des Romains ? à Céſonie, qui eſt d’une famille patricyenne, qui eſt ſi jeune, ſi belle, & ſi ſérieuſe ? Je vous plains, Lélie, ſi vous avez pris par contagion ce nouveau goût qu’ont tant de femmes romaines pour ce qu’on appelle des hommes publics, & expoſez par leur condition à la vue des autres. Que ferez-vous, lors que le meilleur en ce genre vous eſt enlevé ? Il reſte encore Bronte, le queſtionnaire : le peuple ne parle que de ſa force & de ſon adreſſe ; c’eſt un jeune homme qui a les épaules larges & la taille ramaſſée, un nègre d’ailleurs, un homme noir.

34. — Pour les femmes du monde, un jardinier eſt un jardinier, & un maçon eſt un maçon ; pour quelques autres plus retirées, un maçon eſt un homme, un jardinier eſt un homme. Tout eſt tentation à qui la craint.

35. — Quelques femmes donnent aux couvents & à leurs amants : galantes & bienfactrices, elles ſont juſques dans l’enceinte de l’autel des tribunes & des oratoires