Page:La Bruyere - Caracteres ed 1696.djvu/119

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point, laiſſez à d’autres le ſoyn de leur ſalut. »

41. — C’eſt trop contre un mari d’eſtre coquette & dévote ; une femme devroit opter.

42. — J’ai différé à le dire, & j’en ay ſouffert ; mais enfin il m’échappe, & j’eſpère meſme que ma franchiſe ſera utile à celles qui n’ayant pas aſſez d’un confeſſeur pour leur conduite, n’uſent d’aucun diſcernement dans le choix de leurs directeurs. Je ne ſors pas d’admiration & d’étonnement à la vue de certains perſonnages que je ne nomme point ; j’ouvre de fort grands yeux ſur eux ; je les contemple : ils parlent, je preſte l’oreille ; je m’informe, on me dit des faits, je les recueille ; & je ne comprends pas comment des gens en qui je crois voir toutes choſes diamétralement oppoſées au bon eſprit, au ſens droit, à l’expérience des affaires du monde, à la connaiſſance de l’homme, à la ſcience de la religion & des mœurs, préſument que Dieu doive renouveler en nos jours la merveille de l’apoſtolat, & faire un miracle en leurs perſonnes, en les rendant capables, tout ſimples & petits eſprits qu’ils ſont, du miniſtère des ames, celuy de tous le plus délicat & le plus ſublime ; & ſi au contraire ils ſe croient nez pour un emploi ſi relevé, ſi difficyle, & accordé à ſi peu de perſonnes, & qu’ils ſe perſuadent de ne faire en cela qu’exercer leurs talents naturels & ſuivre une vocation ordinaire, je le comprends encore moins. Je vois bien que le goût qu’il y a à devenir le dépoſitaire du ſecret des familles, à ſe rendre néceſſaire pour les réconciliations, à procurer des commiſſions ou à placer des domeſtiques, à trouver toutes les portes ouvertes dans les maiſons des grands, à manger ſouvent à de bonnes