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Page:La Bruyere - Caracteres ed 1696.djvu/140

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nouveaux avantages qui le tirent enfin de noſtre ſujétion : de meſme, la joie que l’on reçoit de l’élévation de ſon ami eſt un peu balancée par la petite peine qu’on a de le voir au-deſſus de nous ou s’égaler à nous. Ainſi l’on s’accorde mal avec ſoy-meſme ; car l’on veut des dépendants, & qu’il n’en coûte rien ; l’on veut auſſi le bien de ſes amis, et, s’il arrive, ce n’eſt pas toujours par s’en réjouir que l’on commence.

52. — On convie, on invite, on offre ſa maiſon, ſa table, ſon bien & ſes ſervices : rien ne coûte qu’à tenir parole.

53. — C’eſt aſſez pour ſoy d’un fidèle ami ; c’eſt meſme beaucoup de l’avoir rencontré : on ne peut en avoir trop pour le ſervice des autres.

54. — Quand on a aſſez foit auprès de certaines perſonnes pour avoir dû ſe les acquérir, ſi cela ne réuſſit point, il y a encore une reſſource, qui eſt de ne plus rien faire.

55. — Vivre avec ſes ennemis comme s’ils devaient un jour eſtre nos amis, & vivre avec nos amis comme s’ils pouvaient devenir nos ennemis, n’eſt ni ſelon la nature de la haine, ni ſelon les règles de l’amitié ; ce n’eſt point une maxime morale, mais politique.

56. — On ne doit pas ſe faire des ennemis de ceux qui, mieux connus, pourraient avoir rang entre nos amis. On doit faire choix d’amis ſi sûrs & d’une ſi exacte probité, que venant à ceſſer de l’eſtre, ils ne veuillent pas abuſer de noſtre confiance, ni ſe faire craindre comme ennemis.

57. — Il eſt doux de voir ſes amis par goût & par eſtime ; il eſt pénible de les cultiver par intéreſt ; c’eſt ſollicyter.

58. — Il faut briguer la faveur de ceux à qui l’on veut du bien, plutoſt que de ceux de qui l’on eſpère du bien.