Page:La Bruyere - Caracteres ed 1696.djvu/142

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de nous en réjouir : il meurt trop toſt ou trop tard.

67. — Il eſt pénible à un homme fier de pardonner à celuy qui le ſurprend en faute, & qui ſe plaint de luy avec raiſon : ſa fierté ne s’adoucit que lorſqu’il reprend ſes avantages & qu’il met l’autre dans ſon tort.

68. — Comme nous nous affectionnons de plus en plus aux perſonnes à qui nous faiſons du bien, de meſme nous haïſſons violemment ceux que nous avons beaucoup offenſez.

69. — Il eſt également difficyle d’étouffer dans les commencements le ſentiment des injures & de le conſerver après un certain nombre d’années.

70. — C’eſt par faibleſſe que l’on hoit un ennemi, & que l’on ſonge à s’en venger ; & c’eſt par pareſſe que l’on s’apaiſe, & qu’on ne ſe venge point.

71. — Il y a bien autant de pareſſe que de faibleſſe à ſe laiſſer gouverner. Il ne faut pas penſer à gouverner un homme tout d’un coup, & ſans autre préparation, dans une affaire importante & qui ſeroit capitale à luy ou aux ſiens, il ſentiroit d’abord l’empire & l’aſcendant qu’on veut prendre ſur ſon eſprit, & il ſecoueroit le joug par honte ou par caprice : il faut tenter auprès de luy les petites choſes, & de là le progrès juſqu’aux plus grandes eſt immanquable. Tel ne pouvoit au plus dans les commencements qu’entreprendre de le faire partir pour la campagne ou retourner à la ville, qui fioit par luy dicter un teſtament où il réduit ſon fils à la légitime. Pour gouverner quelqu’un longtemps & abſolument, il faut avoir la main légère, & ne luy faire ſentir que le moins qu’il ſe peut ſa dépendance. Tels ſe laiſſ