Page:La Bruyere - Caracteres ed 1696.djvu/176

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homme de ma qualité ; il ſe donne pour tel, & il n’y a perſonne de ceux à qui il preſte de l’argent, ou qu’il reçoit à ſa table, qui eſt délicate, qui veuille s’y oppoſer. Sa demeure eſt ſuperbe : un dorique règne dans tous ſes dehors ; ce n’eſt pas une porte, c’eſt un portique : eſt-ce la maiſon d’un particulier ? eſt-ce un temple ? le peuple s’y trompe. Il eſt le ſeigneur dominant de tout le quartier. C’eſt luy que l’on envie, & dont on voudroit voir la chute ; c’eſt luy dont la femme, par ſon collier de perles, s’eſt foit des ennemies de toutes les dames du voiſinage. Tout ſe ſoutient dans cet homme ; rien encore ne ſe dément dans cette grandeur qu’il a acquiſe, dont il ne doit rien, qu’il a payée. Que ſon père, ſi vieux & ſi caduc, n’eſt-il mort il y a vingt ans & avant qu’il ſe fît dans le monde aucune mention de Périandre ! Comment pourra-t-il ſoutenir ces odieuſes pancartes qui déchiffrent les conditions & qui ſouvent font rougir la veuve & les héritiers ? Les ſupprimera-t-il aux yeux de toute une ville jalouſe, maligne, clairvoyante, & aux dépens de mille gens qui veulent abſolument aller tenir leur rang à des obsèques ? Veut-on d’ailleurs qu’il faſſe de ſon père un Noble homme, & peut-eſtre un Honorable homme, luy qui eſt Meſſire ?

22. — Combien d’hommes reſſemblent à ces arbres déjà forts & avancez que l’on tranſplante dans les jardins, où ils ſurprennent les yeux de ceux qui les voient places dans de beaux endroits où ils ne les ont point vus croître, & qui ne connaiſſent ni leurs commencements ni leurs progrès !

23. — Si certains morts revenaient au monde, & s’ils voyaient leurs grands noms portez, &