Page:La Bruyere - Caracteres ed 1696.djvu/205

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La ſubtile invention, de faire de magnifiques préſents de noces qui ne coûtent rien, & qui doivent eſtre rendus en eſpèce !

18. — L’utile & la louable pratique, de perdre en frais de noces le tiers de la dot qu’une femme apporte ! de commencer par s’appauvrir de concert par l’amas & l’entaſſement de choſes ſuperflues, & de prendre déjà ſur ſon fonds de quoy payer Gaultier, les meubles & la toilette !

19. — Le bel & le judicyeux uſage que celuy qui, préférant une ſorte d’effronterie aux bienſéances & à la pudeur, expoſe une femme d’une ſeule nuit ſur un lit comme ſur un théatre, pour y faire pendant quelques jours un ridicule perſonnage, & la livre en cet état à la curioſité des gens de l’un & de l’autre ſexe, qui, connus ou inconnus accourent de toute une ville à ce ſpectacle pendant qu’il dure ! Que manque-t-il à une telle coutume, pour eſtre entièrement bizarre & incompréhenſible, que d’eſtre lue dans quelque relation de la Mingrélie ?

20. — Pénible coutume, aſſerviſſement incommode ! ſe chercher inceſſamment les unes les autres avec l’impatience de ne ſe point rencontrer, ne ſe rencontrer que pour ſe dire des riens, que pour s’apprendre réciproquement des choſes dont on eſt également inſtruite, & dont il importe peu que l’on ſoyt inſtruite ; n’entrer dans une chambre préciſément que pour en ſortir ; ne ſortir de chez ſoy l’après-dînée que pour y rentrer le ſoyr, fort ſatiſfaite d’avoir vu en cinq petites heures trois ſuiſſes, une femme que l’on connaît à peine, & une autre que l’on n’aime guère ! Qui conſidéreroit bien le prix du temps, & combien ſa perte eſt irréparable, pleureroit amèrement ſur de ſi grandes misères.

21. —