Page:La Bruyere - Caracteres ed 1696.djvu/80

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es dans le choix des termes, qu’elles placent ſi juſte, que tout connus qu’ils ſont, ils ont le charme de la nouveauté, ſemblent eſtre faits ſeulement pour l’uſage où elles les mettent ; il n’appartient qu’à elles de faire lire dans un ſeul mot tout un ſentiment, & de rendre délicatement une penſée qui eſt délicate ; elles ont un enchaînement de diſcours inimitable, qui ſe ſuit naturellement, & qui n’eſt lié que par le ſens. Si les femmes étaient toujours correctes, j’oſerais dire que les lettres de quelques unes d’entre elles ſeraient peut-eſtre ce que nous avons dans noſtre langue de mieux écrit.

38. — Il n’a manqué à TÉRENCE que d’eſtre moins froid : quelle pureté, quelle exactitude, quelle politeſſe, quelle élégance, quels caractères ! Il n’a manqué à MOLIÈRE que d’éviter le jargon & le barbariſme, & d’écrire purement : quel feu, quelle naïveté, quelle ſource de la bonne plaiſanterie, quelle imitation des mœurs, quelles images, & quel fléau du ridicule ! Mais quel homme on auroit pu faire de ces deux comiques !

39. — J’ai lu MALHERBE & THÉOPHILE. Ils ont tous deux connu la nature, avec cette différence que le premier, d’un ſtyle plein & uniforme, montre tout à la fois ce qu’elle a de plus beau & de plus noble, de plus naïf & de plus ſimple ; il en foit la peinture ou l’hiſtoire. L’autre, ſans choix, ſans exactitude, d’une plume libre & inégale, tantoſt charge ſes deſcriptions, s’appeſantit ſur les détails : il foit une anatomie, tantoſt il feint, il exagère, il paſſe le vrai dans la nature : il en foit le roman.

40. — RONSARD & BALZAC ont eu, chacun dans