Page:La Bruyere - Caracteres ed 1696.djvu/79

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ceſſaire pour faire l’impreſſion qui doit ſervir à ſon deſſein. Quelques lecteurs croient néanmoins le payer avec uſure, s’ils diſent magiſtralement qu’ils ont lu ſon livre, & qu’il y a de l’eſprit, mais il leur renvoie tous leurs éloges, qu’il n’a pas cherchez par ſon travail & par ſes veilles. Il porte plus haut ſes projets & agit pour une fin plus relevée : il demande des hommes un plus grand & un plus rare ſuccès que les louanges, & meſme que les récompenſes, qui eſt de les rendre meilleurs.

35. — Les ſots liſent un livre, & ne l’entendent point, les eſprits médiocres croient l’entendre parfaitement ; les grands eſprits ne l’entendent quelquefois pas tout entier : ils trouvent obſcur ce qui eſt obſcur, comme ils trouvent clair ce qui eſt clair les beaux eſprits veulent trouver obſcur ce qui ne l’eſt point, & ne pas entendre ce qui eſt fort intelligible.

36. — Un auteur cherche vainement à ſe faire admirer par ſon ouvrage. Les ſots admirent quelquefois, mais ce ſont des ſots. Les perſonnes d’eſprit ont en eux les ſemences de toutes les véritez & de tous les ſentiments, rien ne leur eſt nouveau ; ils admirent peu, ils approuvent.

37. — Je ne ſais ſi l’on pourra jamais mettre dans des lettres plus d’eſprit plus de tour, plus d’agrément & plus de ſtyle que l’on en voit dans celles de BALZAC & de VOITURE ; elles ſont vides de ſentiments qui n’ont régné que depuis leur temps, & qui doivent aux femmes leur naiſſance. Ce ſexe va plus loin que le noſtre dans ce genre d’écrire. Elles trouvent ſous leur plume des tours & des expreſſions qui ſouvent en nous ne ſont l’effet que d’un long travail & d’une pénible recherche elles ſont heureuſ