Page:La Bruyere - Caracteres ed 1696.djvu/90

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Les jeunes gens ſont éblouis de l’éclat de l’antithèſe, & s’en ſervent. Les eſprits juſtes, & qui aiment à faire des images qui ſoyent préciſes, donnent naturellement dans la comparaiſon & la métaphore. Les eſprits vifs, pleins de feu, & qu’une vaſte imagination emporte hors des règles & de la juſteſſe, ne peuvent s’aſſouvir de l’hyperbole. Pour le ſublime, il n’y a, meſme entre les grands génies, que les plus élevez qui en ſoyent capables.

56. — Tout écrivain, pour écrire nettement, doit ſe mettre à la place de ſes lecteurs, examiner ſon propre ouvrage comme quelque choſe qui luy eſt nouveau, qu’il lit pour la première fois, où il n’a nulle part, & que l’auteur auroit ſoumis à ſa critique ; & ſe perſuader enſuite qu’on n’eſt pas entendu ſeulement à cauſe que l’on s’entend ſoy-meſme, mais parce qu’on eſt en effect intelligible.

57. — L’on n’écrit que pour eſtre entendu ; mais il faut du moins en écrivant faire entendre de belles choſes. L’on doit avoir une diction pure, & uſer de termes qui ſoyent propres, il eſt vrai ; mais il faut que ces termes ſi propres expriment des penſées nobles, vives, ſolides, & qui renferment un tres-beau ſens. C’eſt faire de la pureté & de la clarté du diſcours un mauvais uſage que de les faire ſervir à une matière aride, infructueuſe, qui eſt ſans ſel, ſans utilité, ſans nouveauté. Que ſert aux lecteurs de comprendre aiſément & ſans peine des choſes frivoles & puériles quelquefois fades & communes, & d’eſtre moins incertains de la penſée d’un auteur qu’ennuyez de ſon ouvrage ? Si l’on jette quelque profondeur dans certains é