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introduction, § xi.

dit des événements qui prirent place entre la bataille de Muret et le concile de 1215 est insignifiant ; il ne parle pas du meurtre de Baudouin ; rien sur les graves difficultés qui s’élevèrent entre l’ancien légat devenu archevêque de Narbonne et Simon de Montfort[1] ; rien non plus sur saint Dominique ni sur l’établissement de son ordre à Toulouse. Carcassonne, Albi, Lombers, où cependant se produisirent des faits dignes d’être notés, ne sont même pas mentionnés. À mes yeux, ces lacunes mêmes ajoutent une garantie de plus à la valeur des récits du poète anonyme. Il a voulu raconter ce qu’il savait bien et a négligé le reste. C’est la condition la plus favorable que nous puissions rencontrer chez un historien contemporain. Nous ne recherchons pas chez les chroniqueurs du moyen âge un résumé complet de l’histoire d’une époque ; nous nous efforçons de démêler ce qui est témoignage original, et n’attachons aux récits de seconde ou de troisième main que le prix qu’ils méritent. Chez Guillem de Tudèle la valeur des divers récits ne se laisse pas toujours fixer avec certitude, parce que l’auteur a voulu comprendre dans son récit tous les faits de la croisade, alors que sur beaucoup d’entre eux il n’était qu’imparfaitement renseigné. Avec le poète anonyme le même doute n’existe pas, puisqu’il néglige tout ce qu’il n’a pas recueilli de première main. Il ne sait pas tout, mais ce qu’il sait il le sait bien.

XI. Guillaume de Tudèle : versification et langue.

La chanson de la croisade albigeoise fournirait aisément la matière d’un gros volume à qui voudrait l’étudier à fond, en se plaçant successivement aux points de vue de l’historien

  1. Voy. II, 187, note 2, et les Additions et corrections.