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croisade contre les albigeois.

haut qu’on n’ose rien dire pour défendre ce qu’il attaque. Et par suite, alors qu’il fut devenu moine et abbé[1], la lumière fut si fort obscurcie en son abbaye, qu’il n’y eut bien ni repos jusqu’à ce qu’il en fût sorti. [3320] Et quand il a été élu évêque de Toulouse, un tel incendie embrasa toute la terre que jamais il n’y aura assez d’eau pour l’éteindre. À plus de cinq cent mille, grands et petits, il y a fait perdre la vie, le corps et l’âme. [3325] Par la foi que je vous dois, à ses actes, à ses paroles, à son maintien, il semble être plutôt l’Antéchrist qu’un légat de Rome !

CXLVI.

Car le légat de Rome m’a dit et octroyé que le seigneur pape me rendra mon héritage. [3330] Et que personne ne me tienne pour sot ni pour fou, si je désire recouvrer le château de Foix ; Dieu sait combien je l’aurais (le pape) en estime[2] [s’il me rendait mon château]. Monseigneur le cardinal sait ce qu’il en est, comme je l’ai rendu de bonne foi, sagement

  1. Du Toronet, diocèse de Fréjus, de 1201 (au plus tôt) à 1205, époque à laquelle il fut nommé à l’évêché de Toulouse ; voy. Gall. christ., I, 450 et 648-9, et Vaissète, nouv. édit., IV, 354.
  2. Col tendria membrat est malaisé à entendre, à cause du sens vague et étendu de membrat, qui signifie non-seulement « ce dont on se souvient », mais encore « connu favorablement, réputé, digne d’une haute estime » (cf. 3352, 4254, etc. ; voir le vocab.). — Si on adoptait la correction tenia, proposée dubitativement en note, le sens serait « Dieu sait combien je le tenais (mon château) présent à l’esprit (= combien je l’aimais) », ce qui est assez faible. L’interprétation de Fauriel « que je le garderai (mon château) loyalement », exigerait membratz. La faute ne serait pas extraordinaire dans ce texte-ci, mais il est difficile d’attribuer à membrat le sens de « loyal ».