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croisade contre les albigeois.

s’étonner à bon droit, quand le comte de Toulouse est réduit à la misère, [3615] puisque je n’ai bourg ni ville pour me réfugier. Quand je te rendis Toulouse, je crus trouver merci, et si je l’avais obtenue[1], je ne me plaindrais pas. Et parce que je te l’ai rendue, parce que je ne l’ai pas refusée, me voilà dans la misère, réduit à implorer ta merci ! [3620] Je n’aurais jamais cru, et je ne le devais pas supposer, qu’avec la sainte Église je serais ainsi déçu ! Tes paroles et ma confiance m’ont fait faire telle folie que maintenant je ne sais où aller, ni où me tourner. J’ai grande raison d’être affligé, quand je viens à penser [3625] qu’il me faudra demander à autrui, moi qui avais coutume de donner[2] ! Et l’enfant qui ne sait ce que c’est que faute ni péché[3], tu ordonnes que sa terre lui soit enlevée, tu veux le proscrire ! Toi qui dois régir Parage et Merci, qu’il te souvienne de Dieu et de Parage, et ne me laisse pas succomber, [3630], car la faute en sera à toi, si je n’ai où poser les pieds ! » Le pape l’écoute et le regarde ; il se prit à gémir en son cœur et à s’accuser. « Comte, » dit le pape, « tu n’as pas lieu

    voir, sur les revenus du comté de Toulouse, aux dépenses du comte, et la lettre, assurément écrite à la prière de Raimon (et qui peut par conséquent servir à fixer approximativement la date de son arrivée à Rome à janvier 1215), contient l’idée même qui est ici exprimée (cf. d’ailleurs v. 3540 et suiv.) : « Verum ... supplicavit ad ultimum, ut, ne mendicare cogatur, ipsi faceremus in expensis interim provideri » (Teulet, Layettes du Trésor, n° 1099 ; Potthast, n° 4950).

  1. E si ieu la tengues, le sens est douteux : on peut rapporter la à Toulouse aussi bien qu’à merci.
  2. Voy. ci-dessus, v. 3541.
  3. Cf. v. 3529.