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croisade contre les albigeois.

loyaux ; car lorsqu’ils jurèrent sur le missel, ils chantèrent[1] par force, et ne pouvaient s’y soustraire ; car c’est bien le tort et la force qui règnent là où le droit n’est rien, [4800] et serment extorqué n’a point de valeur en droit. Celui qui s’empare de la terre ou de la demeure d’autrui, qui abaisse droiture et a recours à la tromperie et au mal, celui-là perd la terre qu’il a conquise, rente et capital. Et si vous m’en voulez croire, nous passerons à autre chose. [4805] Jamais je n’ai vu siége si extraordinaire : les assiégés ont joie, repos, ombre, bon pain, eau claire, bons lits, logis, et le vin de Genestet qui leur vient à flots. Cependant nous demeurons dehors, exposés aux dangers, [4810] avec la poussière, la sueur, la chaleur, n’ayant que du vin tourné, de l’eau et du pain dur sans sel ; et jour et nuit nous sommes sous les armes, attendant le moment où ils viendront nous combattre et nous chanter une autre chanson. [4815]. Et pour peu que cet infernal péril dure nous aurons plus souffert qu’un ardent de saint Martial[2]. — Par Dieu, Hugues, » dit le comte, « ne vous plaignez pas : ce n’est pas encore le moment, car, par la sainte hostie qu’on consacre dans le corporal, vous ne verrez pas Castelnaudari ni Alain Montréal[3], [4820] jusqu’à tant que j’aie recouvré Beaucaire avec les revenus qui en dépendent. — Sire comte, » dit

  1. Le sens est un peu forcé ; torneron, au lieu de corneron, ne serait guère meilleur. M. Chabaneau propose (Rev. des l. rom. 2, I, 200) El cor n’eron, « ils étaient dans le cœur forcés. »
  2. On sait que le « mal des ardents » était une sorte d’érésipèle gangréneux ; voir Du Cange, ardentes.
  3. On a vu plus haut Hugues de Laci qualifié de seigneur de Castelnaudari (p. 45 n. 4), et Alain qualifié de seigneur de Montréal (p. 129 n. 2).