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croisade contre les albigeois.

la foi que je vous dois, il n’y a si vaillant qui, lorsqu’ils nous jetèrent dehors par les portes de la ville, n’eût préféré la fièvre ou bataille en champ ! — [62175] Frère, » dit le comte, « c’est une honteuse affaire, quand des hommes sans armes nous ont tenu tête. Que je perde à tout jamais l’aide de Dieu et le secours de saint Martial, si je laisse décharger sommier ni harnois ni tonneau, jusqu’à [ce qu’on puisse le faire] dans la ville même, sur la place du marché ! — [6280] Sire comte, » dit Alain, « n’allez pas si loin ! votre serment vaut autant que rosée[1], car, par la foi que je vous dois, il va nous falloir parler sur un autre ton. Et si vous comptez franchir les murs, les sommiers ne seront pas déchargés jusqu’à Noël, [6285] car, par le corps saint Pierre ! n’était qu’ils se montrent faux à notre égard, je dirais que vous n’avez jamais vu hommes plus solides au combat. »

Ensuite vint la foule des riches barons, par dessus tous le seigneur cardinal, l’archevêque[2] et l’évêque[3], avec la mitre et l’anneau, [6290] avec la croix et la crosse et les missels. Il (le cardinal) parle et sermonne, et dit avec autorité : « Seigneurs, le roi spirituel vous fait savoir à tous qu’en cette ville est le feu de l’enfer, qu’elle est comble de péchés criminels, [6295] car entre ses habitants séjourne leur seigneur ; et quiconque la combattra sera sauvé devant Dieu. Vous reprendrez la ville, occuperez les maisons ; que nul, homme ni femme, n’ait la vie sauve ;

  1. Comparaison proverbiale qui reparaît au v. 6588 et qui existait en anc. fr. : voy. l’ex. de Rutebeuf que cite M. Littré, rosée.
  2. D’Auch.
  3. De Toulouse.