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croisade contre les albigeois.

je perds ici mon frère[1] et demeure seul, ce sera pour toute ma vie un double tourment. Je défends la sainte Église et ses mandements, la Provence était mienne, avec tout ce qui en dépend, [6470] et c’est pour moi un sujet d’étonnement comment Dieu peut permettre, comment il peut lui plaire que je sois honni, moi, son serviteur obéissant, comment il m’a laissé détruire par ses adversaires. — Comte, » dit le cardinal, « n’ayez crainte : [6475] votre esprit est saint et patient, et pour cela vous recouvrerez la ville, et bientôt. Et qu’il n’y ait église, hôpital ni saint[2] qui puisse leur donner asile, et les empêcher de recevoir la mort, tous ceux de là-dedans ! Et si aucuns des nôtres y trouvaient la mort en combattant, [6480] moi et le saint pape nous leur garantissons qu’ils porteront couronne à l’égal des saints Innocents. — Sire comte, » dit Alain, « vous paraissez fait pour vaincre, mais dans le cas présent vous n’avez pas réussi, car Dieu prend en considération les cœurs et la conduite ; [6485] c’est l’orgueil, la fierté, l’outrecuidance qui ont changé les anges en serpents. Et c’est parce qu’orgueil et dureté se sont emparés de vous, parce que merci vous est indifférente, et que discrétion vous ennuie, que vous aimez ce qui est triste et ce qui est lâche, [6490] à cause de tout cela vous est poussée une si grosse surdent qu’il y aura de quoi rogner pour vous comme pour nous. Et le Seigneur qui gouverne et rend de justes arrêts, ne trouve pas bon, ne peut

  1. Voy. ci-dessus p. 328 n. 6.
  2. Cf. v. 6299.