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croisade contre les albigeois.

et maître Garnier [7560] d’aller tendre les trébuchets et de commencer la lutte. Ils furent bien dix mille à tendre les cordes. Dans les frondes ils mirent de grosses belles pierres, et les voilà abattant et mettant en pièces le château Narbonnais et ses grandes portes, les murs, les bretèches, les parapets qui les rejoignent, [7565] et les meurtrières de la tour Ferrande[1]. Et ils crient : « Toulouse ! voilà que le feu de la guerre gagne ! et maintenant est venu[2] l’objet de nos désirs, le vaillant jeune comte, notre droit seigneur ! » [7570]. Mais en peu de temps diminua leur joie, car le vent, le tonnerre, l’orage, la tempête, firent tomber pendant trois nuits et trois jours entiers une telle pluie que la Garonne déborda et envahit la grève, [7575] les chemins, les places, les jardins, les vergers, et, jusqu’au milieu de la ville, pénétra dans les celliers, à ce point que sur l’eau il ne resta pont entier, ni levée, ni moulin[3]. Au milieu de la Garonne,

    à un acte passé à Toulouse (Teulet, Layettes, n° 1117) ; paraire signifie « apprêteur d’étoffes », voy. Du Cange, parator.

  1. Catel mentionne plusieurs anciennes tours de Toulouse (Mémoires de l’hist. de Languedoc, p. 136), mais non celle-ci qui appartenait sans doute au château Narbonnais.
  2. Traduit d’après la correction proposée à la note du v. 7568. Il n’est pas douteux qu’il s’agit bien ici de l’entrée du jeune comte, car la même idée est exprimée et développée au même endroit dans la rédaction en prose.
  3. Ni pals ni alabers, v. 7578 ; pals et alabers désignent, selon M. Chabaneau, Rev. des langues rom. 2, I. 205 et 361, le premier l’arbre vertical engagé dans la meule courante d’un moulin, le second l’arbre horizontal de la roue motrice. Ces deux pièces importantes ne peuvent avoir été enlevées par les eaux qu’avec le moulin où elles se trouvaient, ce qui m’autorise à mettre « moulin » à la place de deux mots dont la traduction exigerait une