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introduction, § x.

réserve pour la conduite du légat : O legati fraus pia ! pietas fraudulenta [1] !

Simon, ayant pour cette fois dompté Toulouse, part pour d’autres expéditions en Bigorre, dans le comté de Foix, sur les bords du Rhône. De ces diverses expéditions notre poète ne sait que peu de chose[2]. Il a hâte de nous ramener à Toulouse où le comte légitime, Raimon VI, va rentrer, aux acclamations de ses vassaux.

Fidèle à ses habitudes d’exposition, le poète ne raconte pas : il pose devant nous ses personnages, et les fait parler et agir. Il ne nous dit pas à quoi le comte de Toulouse a employé son temps depuis que nous l’avons entendu annoncer son départ pour l’Espagne, dix-huit cents vers plus haut[3]. Il l’ignore probablement, ou du moins s’en soucie peu et ne pense pas que ses auditeurs s’en inquiètent plus que lui. Toujours tout entier au moment présent, il peut lui arriver d’annoncer par avance des faits qu’il n’est pas encore temps de raconter, mais jamais il ne lui arrive de revenir sur ses pas pour faire connaître les circonstances qui ont amené la scène qu’il lui plaît de décrire. Donc le comte Raimon « vient d’entrer dans la terre loyale de Rogier de Comminges ». Rogier, qui est de la sorte brusquement mis en scène sans un mot d’introduction, comme si nous le connaissions de longue date, paraît avoir été seigneur du Savez et du Couserans[4], petits pays situés au pied des Pyrénées, vers les sources de la Garonne. Le poète suppose que cette indication, « la terre de Rogier de Comminges, » suffit à ses

  1. Fin du ch. LXXVIII.
  2. Tirade CLXXX.
  3. Au v. 3874.
  4. Voy. II, 295, note.