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PAYSAGE D’AUTOMNE



La source est sombre et froide et sa noire émeraude
Tremble au toucher frileux d’une lueur qui rôde,
Rayon bref, dans cette ombre à regret accepté,
Éclat dépaysé de solaire gaîté :
— Tel un sourire est triste aux lèvres d’une veuve.
Mais la Lumière va, contente de l’épreuve,
Sur la colline, sur la plaine, et sur les bois,
Sonner son chant discret de cors et de haubois.
Tardif a revêtir la couleur de l’automne,
Un arbre, çà et là, dans le concert détone.
La symphonie expire à l’orbe illimité
D’un chêne, de silence et de sève habité,
Qui pousse ses bras forts et projette son ombre,
Comme pour élargir l’espace qu’il encombre.
Plus loin, six peupliers, dans une gloire d’or,
Semblent au seul éther arrêter leur essor
Et de leurs branches, des oiseaux, l’aile languide,
S’envolent, enivrés de lumineux fluide.


EUGÈNE HOLLANDE.




LE BOUCOLIASTE



La flûte qui fléchit sous les doigts allongés
Comme un bras effleuré de femme par les lèvres,
Vibre, et le clair essaim des trilles encagés
S’envole entre les sauts bucoliques des chèvres.

Le joueur puéril et ses roseaux légers
Disent en vain le charme du chant qui s’alterne :
Les Muses sont trop loin de la voix des bergers
Et le seul dieu du jour superbe les prosterne.

Mais l’Éphèbe : « Je suis, ô Phoibos radieux
Boucoliaste, et pur pour le culte des dieux.
J’ai l’espoir du laurier que ton geste décerne

Et je veux ce matin pour te rendre indulgent
Consacrer sur l’autel de flouve et de luzerne
Ma flûte pastorale à ta lyre d’argent. »


CLAUDE MOREAU.