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REGRETS



Il allait, et ses mains désiraient cette étoile,
Le Bonheur Et, le cœur gonflé comme la toile
Du vaisseau que fait fuir un grand souffle marin,
Il courait le péril d’une marche sans fin,
Lorsque son âme, un jour, s’élança vers ta grâce,
Ô Femme, par qui Dieu se révèle à la race !

Baigné dans ta clarté, pour ciel ayant tes yeux,
Il s’enivra longtemps d’avoir mené ses vœux
Aux bords les plus lointains des océans du rêve.
À peine croyait-il, dans les vents de la grève
De l’humaine malice entendre les rumeurs :
Au vainqueur oublieux qu’importaient ces clameurs ?

Femme, ta volonté changea cette fortune.
Sa lèvre est devenue à ta lèvre importune ;
Ce regard, où l’appel de ta grâce avait lui,
Au risque de sa mort s’est détourné de lui !
Depuis lors il revoit la clarté de l’étoile,
Mais nul souffle marin ne gonflé plus sa voile.


EUGÈNE HOLLANDE.




LE RÉVEIL



La mer matinale brillait au haut du flux
Les grands avirons bleus s’allongeaient sur les scalmes
Et l’infini silence éveillait les yeux calmes
Des femmes, que nul vol rameur ne berçait plus.

C’était le deuil de l’heure où les couples élus
De leurs bras étoilés par les roux lycophtalmes
Vers l’Ile, sur la mer, guidaient avec des palmes
L’escorte des dauphins et des tritons joufflus,

C’était la fin des chants alternés, et des rires
Autour des bouches, et des doigts charmeurs de lyres.
Les tempes s’appuyaient aux mains, lourdes d’ennui.

Et dans l’air pâle où le soleil s’élève et tremble
Des couples, éperdus d’être partis ensemble,
Tristement, regardaient leurs rêves de la nuit !


CLAUDE MOREAU.