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Dans l’ombre fraternelle où rêvait leur chagrin,
Des caresses chantaient sur l’aile des oiselles,
Et des paons constellaient de regards d’or pour elles
L’éventail d’émeraude orgueil du parc serein.

Et, les statues offrant l’exquis et triste hommage
De pleurs marmoréens aux perles de leurs pleurs,
Les Oiseaux et les Bois offraient brise et ramage,
Les gazons s’enchantaient de rosée et de fleurs.

Mais le groupe sacré, dans son exil tremblant,
Insensible aux langueurs des triomphantes roses,
Fleurissait l’horizon vermeil de ses bras roses
Levés pour des appels vers le ciel somnolent,

Comme si, dans le sombre azur gemmé d’étoiles,
Une Galère d’or où s’efface un adieu,
Enflant pour tout jamais les ailes de ses voiles,
Eût bercé le départ implacable d’un Dieu !

Et ces Vierges pleuraient l’Exil de la Beauté,
Car, sur le haut bûcher embaumé d’hyacinthes,
Plus pâle que les lys dont ses tempes sont ceintes,
Adonis était né pour la divinité !

Cypris avait serti d’astres ses boucles blondes,
Et, sous l’immensité des cieux mystérieux,
L’Adolescent avait aux lueurs d’autres mondes
Comme de grands iris ouvert ses larges yeux.

Alors les lys vivants, les Vierges aux pas lents,
Empourprant leur candeur à la mourante flamme,
À l’Ombre, aux Dieux d’Enfer, noirs sphinx gardiens de l’âme,
Avaient lugubrement dit les hymnes dolents.

Et maintenant ce champ de fleurs sous la rosée
Des pleurs, et sous l’effroi des vœux Plutoniens,
Dans la forêt, des Jeux et des Ris délaissée,
Troublait de ses parfums les songes anciens :

Et les Faunes pensifs, et les funèbres arbres,
Pressentant des regrets plus amers que les flots,
Écoutaient s’abîmer en d’effrayants sanglots
Le lilial essaim de ces douloureux marbres.


CAMILLE MAUCLAIR.