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LA DAME EN GRIS



En face des lueurs douces de la soirée
Et dans l’ombre de la fenêtre inéclairée
Sous le charme de quels frissons viens-tu t’asseoir
Ô femme dont les yeux sont gris comme le Soir
Et dont Van Beers par un raffinement suprême
À peint les vêtements gris comme les yeux même ;
Ah, ce gris à la fois impénétrable et clair
Ce front haut sous ces fins cheveux blonds, et cet air
De sensualité que la bouche écarlate
Et les grands yeux où la pupille se dilate
Donnent à ton visage un peu triste pourtant !
Comme on sent bien dans ce regard inquiétant
Errer et vaciller l’éphémère tendresse…
Il émane de tout ton être une caresse
Impalpable et qui fait défaillir. On ne sait
Si c’est vers un désir ou bien vers un regret
Que ton âme s’en va parmi le crépuscule…
Plus on la veut connaître et plus elle recule,
La jeune âme indécise éparse au soir d’été.
Fragile âme à qui vont nos goûts d’éternité,
Quelle autre âme mêlée à ta mélancolie,
Te dira les mots où la tienne se délie
Et déchiffrant enfin tes vœux et tes aveux
Pour toi seule dira les phrases que tu veux ?


HENRY BÉRENGER.




PRIÈRE


Ceint du Styx, mon rêve est un temple dans une île.
C. M.



Rose flottante au Styx neuf fois ceignant mon Rêve,
Princesse pâle, éclos en cette île de nuit
Où des Dieux blancs et noirs se promènent sans bruit,
Érigeant leur énigme au seuil d’or de la grève.

Île de songe, où mon esprit rêve sans trêve !
Tu suspendras, fleur dédaigneuse de tout fruit,
Ton décor de parfums à mon cœur qui reluit,
Ostensoir qu’en ce Temple un désir vierge élève !

Charme à notre Holocauste en l’île au fleuve noir !
Et puisque j’ai cueilli sur la rive ce soir
Ta consolation de rose crépuscule,

Ah ! sois l’Aurore messagère d’Inconnu,
Omphale que rehausse un opprobre d’Hercule,
Et prophétise enfin que l’Archange est venu !