Page:La Corée Libre, numéro 4 et 5, août-septembre 1920.djvu/33

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avec les révolutionnaires coréens. Plusieurs missionnaires et docteurs américains ont, en tout cas, aidé les Coréens en soulageant quelques-uns des maux nés de la répression. Mais il n’y a aucun fait, à ma connaissance, justifiant l’accusation des journaux japonais que les États-Unis aient suscité et organisé la révolte. D’autre part, la Chine, désireuse de déconsidérer son adversaire à la Conférence de la Paix, a certainement vu avec satisfaction la révolte de ces victimes de l’impérialisme japonais. Mais aucune preuve n’établit qu’elle ait provoqué le soulèvement.

Le mouvement me paraît avoir été organisé par les Coréens eux-mêmes à Shanghaï, selon une information qui m’a été donnée sur place et me semble de première valeur. (C’est aussi ce que prétend le gouverneur général de Corée, général Hasegawa, dans une interview de l’Asahi cité par le journal américain de Tokio, l’Advertiser du 18 avril 1919). Les Coréens des États-Unis ont aussi dû avoir une large part dans la préparation de la révolte. En tout cas, le mot d’ordre du Comité d’action a été obéi, de Vladivostok à Shanghaï, et à travers toute la Corée, avec une stupéfiante discipline. Les dirigeants ont fait preuve de précieuses qualités d’organisation. Les Coréens, les jeunes gens et jeunes filles surtout, ont montré un patriotisme et une bravoure qui ont touché bien des cœurs.

Les premières manifestations

Avant la révolte, quelques faits symptômatiques ont révélé les sentiments du peuple. Les Coréens d’Amérique ont soumis au président Wilson une pétition demandant l’indépendance (Advertiser, 7 janvier 1919 : 18 janvier 1919) ; ils ont décidé d’envoyer des délégués à la Conférence de la Paix (Advertiser, 22 janvier 1919). Les Coréens de Chine ont remis un appel analogue à l’ambassadeur d’Amérique Dr Reinsch. Les étudiants coréens des Universités de Tokio ont commencé une agitation que la police et la justice ont essayé d’étouffer par des arrestations et des condamnations (Advertiser, 9 février, 16 février, 25 février 1919). Un député japonais, M. Takagi Masutaro, à la Commission du Budget, s’est honoré en protestant contre la sévérité des punitions infligées (bien que celles-ci n’aient pas alors dépassé un an de prison).

C’est à ce moment qu’est survenue, le 20 janvier 1919, la mort subite de l’ex-empereur de Corée. L’effort fait pour cacher la nouvelle a échoué. Les Coréens ont refusé de croire à la version officielle d’une mort naturelle (par attaque d’apoplexie). Pour les uns, l’ex-empereur se serait suicidé afin de retarder pendant trois ans, et peut-être d’empêcher, le mariage de son jeune fils, le prince Yi, avec une princesse japonaise, la princesse Nashimoto. Cette version est invraisemblable, car l’empereur avait subi antérieurement de pires humiliations sans manifester aucune velléité de se tuer. Selon d’autres, il aurait été empoisonné par les Japonais, parce que, dans un suprême geste de dignité, il se serait refusé à signer un document devant être envoyé à la Conférence de la Paix, affirmant que les Coréens sont heureux sous la domination japonaise et en souhaitent le maintien. (Le document a été signé par six renégats coréens). La mort subite de deux dames de la Cour, qui auraient participé à cet empoisonnement ou en auraient été témoins, a paru confirmer l’exactitude de ce bruit. Cette version est acceptée par beaucoup d’étrangers à Séoul, sans raison décisive, à ce qu’il me semble.

Irrité par ces écrits, le peuple coréen a été d’autant plus facile à soulever. Les dirigeants du mouvement ont, pour le déclencher, saisi l’occasion des funérailles impériales, réunissant dans la capitale un million de Coréens loyalistes.

L’appel à l’indépendance

À Séoul, deux jours avant les obsèques, le 1er mars, 33 patriotes coréens de religions différentes — 15 chrétiens, dont plusieurs ministres du culte, 15 fidèles de la secte nationaliste le Chuntokyo, 3 bouddhistes — se réunissent dans un restaurant, proclament l’indépendance de la Corée, et l’annoncent par téléphone aux autorités japonaises ; 29 sont arrêtés immédiatement.