Page:La Corée Libre, numéro 4 et 5, août-septembre 1920.djvu/34

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5.000 étudiants et étudiantes parcourent la ville, manifestant en l’honneur de la Corée indépendante. Ils manifestent devant les Consulats des Républiques américaine et française, négligeant la Grande-Bretagne, alliée du Japon, et la Russie, impuissante.

On répand dans le peuple une belle déclaration d’indépendance :

« Nous proclamons la Corée un État indépendant et un peuple libre. Nous l’annonçons à toutes les nations du monde, et leur faisons ainsi savoir la grande nouvelle de l’égalité de tous les hommes. Nous le faisons aussi savoir à notre postérité pour 10.000 générations, afin que nos descendants sauvegardent toujours le droit d’être un peuple libre. C’est avec l’autorité et la dignité de 5.000 années d’histoire, c’est avec le dévouement et le loyalisme de 20 millions d’hommes derrière nous que nous faisons cette proclamation ».

Après avoir condamné en quelques mots la politique des oppresseurs, ils ajoutent :

« Nous, qui avons tout particulièrement besoin de nous réprimander nous-mêmes, nous n’avons pas de temps à perdre en nous occupant des fautes d’autrui. Nous qui avons besoin d’organiser le présent, nous n’avons pas une minute à perdre en cherchant les torts du passé. »

Ils souhaitent persuader les Japonais de « revenir à l’innocence et à la justice » ; ils leur laissent entendre que cette décision leur attirera la sympathie de 400 millions de Chinois ; qu’elle facilitera la paix de l’Orient, la paix de toute la Terre : « Un nouveau printemps brille sur le monde »…

Le 8 mars, à la suite d’arrestations nombreuses, et sous la menace d’une répression sévère, le mouvement prend, à Séoul, une autre forme, celle de la résistance passive. C’est la protestation du silence et des bras croisés, la grève. Les conducteurs coréens de tramways cessent de conduire ; le public cesse de fréquenter les rares tramways conduits par les Japonais. Beaucoup de boutiques se ferment. La grève dure jusqu’au 1er avril, date à laquelle la police finit par obtenir la reprise du travail.

De temps à autre, les manifestations recommencent. Une foule se réunit soudain, sur tel ou tel point, manifeste, puis se disperse. Le Journal de l’Indépendance qui réussit à paraître et à être distribué à Séoul, comme la Libre Belgique l’était à Bruxelles sous la domination allemande, répète le mot d’ordre donné par les chefs du mouvement : « point de violences ». Sauf de très rares exceptions, les Coréens se bornent à des manifestations pacifiques et inoffensives, souvent courageuses, parfois spirituelles. À une distribution des prix, dans une école primaire à laquelle les parents n’avaient pas été conviés, les petits Coréens se lèvent tous au signal donné par l’un d’eux, et brandissent de minuscules drapeaux nationaux. Parfois, de grands feux s’allument sur les collines autour de Séoul. A Séoul même, une main mystérieuse place, sur l’arbre le plus élevé du parc, un drapeau coréen, le drapeau blanc, avec, au centre, un symbole bleu foncé et rouge, et, autour, des caractères chinois d’heureux augure.

 
Les résultats de la Révolte

Quels ont été les résultats de l’agitation coréenne ? Une partie de la presse japonaise a immédiatement réclamé la substitution d’un gouvernement civil au gouvernement militaire (Tokyo Asahi, 5 avril ; Hochi, 8 avril 1919) : comme ce sont les soldats et les policiers militarisés qui commettent les pires abus, l’établissement d’un gouvernement civil était considéré comme une évidente amélioration. Puis des Japonais notoires, comme l’ancien ministre des Affaires étrangères, vicomte Kato, ont soutenu que le peuple coréen doit « cesser d’être regardé comme un simple moyen d’obtenir des profits, il doit être traité avec impartialité ». (Advertiser, 15 avril 1919.) Et ils se sont prononcés en faveur d’un régime d’autonomie.

Depuis la révolte, le gouvernement japonais a fait savoir qu’il a concédé à la Corée une certaine autonomie. Mais ce n’est pas une autonomie véritable, puisqu’elle n’accorde aux Coréens, ni une représentation choisie par