Page:La Corée Libre, numéro 4 et 5, août-septembre 1920.djvu/41

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ou vitablement dans l’avenir une sérieuse mésentente entre nous et les Japonais. Les Nippons manifestent de plus en plus visiblement une tendance à interprèter la situation spéciale du Japon en Chine dans un tel sens que toute autre puissance ne pourrait faire aucune ouverture politique à la Chine sans faire un échange de vues préalable avec le Japon. Ce qui conduit à un contrôle de la politique étrangère de la Chine par le Japon. D’autre part, les Japonais considèrent la reconnaissance du principe de la porte ouverte et de la sauvegarde de l’intégrité de la Chine comme de peu d’importance. Le Japon ne croit pas que de telles reconnaissances assurances puissent imposer la moindre restriction dans la poursuite de sa politique vis-à-vis de la Chine. Aussi est-il très possible que, dans l’avenir, quelques divergences sur ce point puissent s’élever entre les Etats-Unis et le Japon… » Ces divergences prévues existent actuellement entre les deux Gouvernements, quoiqu’elles n’aient pas encore conduit ces deux pays sur un terrain sérieux de différend diplomatique. Lorsque, questionné par la Commission sénatoriale au sujet de l’accord intervenu avec Ishii, M. Lansing répondit qu’il avait formellement notifié à l’Ambassadeur japonais que les Etats-Unis, se rendant compte de la position géographique spéciale du Japon en face de la Chine, ne toléreraient jamais que le Japon possède des intérêts privés ou des avantages en Chine. Il dit à l’Ambassadeur japonais qu’il considérait ce présent accord comme une confirmation de la politique de la porte ouverte.

Quelles que soient les divergences de vue sur la situation du Japon en Chine, le Japon {considérera toujours la Chine comme sa propre sphère d’exploitation sur laquelle aucune autre nation ne pourra étendre la main. La réalisation des droits et des concessions » déjà acquis en Chine seule suffit à maintenir ce pays sous le contrôle du Japon. C’est non seulement une exploitation économique de la Chine, mais aussi la subjugation politique de ce pays que le Japon recherche, et il joue un des rôles les plus importants dans la désunion et les perturbations intérieures de la Chine. Une autre dépêche de l’Ambassadeur russe donne des révélations sur cette attitude du Japon. Il écrivait le 16 octobre 1917 « que le Japon était sur le point de vendre une quantité considérable d’armes et de munitions au gouvernement de Pékin ; le prix des armes seules s’élevait à 30 millions de dollars. Ces armes et ces munitions étaient destinées, dit le Ministre, à combattre et à supprimer les républicains du Sud malgré les déclarations répétées donnant des assurances contraires. En appuyant le Gouvernement de Pékin, contrairement au principe de non-intervention dans les affaires intérieures de la Chine, il est probable, continue M. Krupensky, que le gouvernement japonais espère obtenir le privilège de réarmer toute la Chine et rendre ainsi cette nation tributaire des arsenaux nippons et enrichir les usines à munitions du Japon ».

D’autre part, le Japon se servait de la Chine comme moyen d’appas pour attirer une autre nation agressive en vue d’une coopération. Nous savons maintenant comment un émissaire nippon du nom de Oda apporta au Gouvernement allemand, en octobre 1918, un projet de triple-alliance entre l’Allemagne, la Russie et le Japon. Ce projet fut approuvé par l’opinion japonaise, et il était déjà soutenu dès 1917 par le Ministre de la guerre, général Tanaka, lorsqu’il en causa publiquement le 7 mai de cette même année. L’art. 3 stipulait : « Le Japon s’engage lui-même à donner à l’Allemagne la jouissance des droits, de la nation la plus favorisée, qui lui sont assurés par ces traités, dans le Sud de la Chine et certains privilèges résultant de ces traités, et en conséquence) les deux parties contractantes sont d’accord pour s’opposer à toute nouvelle concession dans ces régions, qui seront déterminées plus tard, en faveur d’autres puissances ». Quoique ce projet ne se soit pas réalisé, à la suite de l’éclatement de la révolution en Allemagne, il n’en établit pas moins l’attitude des Japonais à l’égard de la Chine que tout l’effort du Japon est dirigé contre toute démarche politique avec la Chine de la part d’une tierce puissance. Le Japon a donc raison et son attitude se justifie dès lors, qu’une influence étrangère en Chine serait une menace pour lui par suite de sa « proximité géographique » !