Page:La Croix du Maine - Du Verdier - Les Bibliothèques françoises, t. 1, 1772.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore s’élever jusqu’aux Arts & aux Sciences ; elle étoit même obligée d’emprunter pour l’histoire, pour les Actes & les Traités publics, le langage de l’ancienne Rome. Des Fables, des Romans, des Récits de faits & gestes fabuleux furent long-temps son partage ; c’est-à-dire, ses seuls objets & tous les fruits : elle étoit trop peu féconde pour en produire d’autres, trop pauvre pour atteindre à la richesse d’expression qu’exigent les grands sujets, trop barbare & trop rude, pour peindre avec succès les nuances délicates des sujets d’agrément. Mais lorsqu’on eût appris à penser dans les Écrits d’Athènes & de Rome, lorsque le génie éclairé par ces guides immortels eût pris son essor, & que l’esprit solidement nourri ne se laissa plus entraîner au hasard, ou emporter aux caprices de la fantaisie, avec quelle fierté la langue Françoise ne brisa-t-elle pas ses entraves ? Enrichie des dépouilles de ses deux rivales, elle est enfin parvenue aujourd’hui à les surpasser en clarté, & à les égaler presque pour l’énergie, l’expression, la douceur & l’harmonie. Elle seroit encore privée de tous ces avantages, sans l’étude que des hommes, nés pour saisir le beau & le vrai, ont faite de l’Antiquité ; & si les Grecs & les Romains existoient aujourd’hui dans toute leur splendeur, ne seroit-ce pas à bien plus juste titre, qu’ils se diroient encore les Maîtres du Monde ? En effet, à quel haut degré de perfection n’auroient-ils pas porté nos découvertes, utiles ou agréables, si elles eussent été faites de leur temps ? Par conséquent, quelles richesses leurs langues n’auroient-elles pas acquises ? Plus les connoissances augmentent, plus les idées naissent en nombre, se développent, s’étendent, s’agrandissent, & plus les images qui les expriment, varient, s’animent & se multiplient. La variété, l’abondance & la