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enjolivé, rendu joli, gentil, et le mot Emmaïoler donner le mai à la maîtresse, ne se trouvent que dans les Poësies manuscrites de Froissart. Plusieurs articles de notre Glossaire présenteront des exemples de cette espèce.

Il ne faut pas étendre trop loin l’application de ces remarques ; mais elles pourroient être de quelque secours dans le cas où la critique n’offriroit point d’autre ressource.

Telles sont les principales attentions que nous avons eues dans la composition de cet Ouvrage. Si nous avions voulu lui donner tout l’appareil d’érudition dont il est susceptible, nous aurions pu feuilleter les Dictionnaires anciens et modernes des différentes Langues de l’Europe, en comparer les mots avec les articles du Glossaire de Du Cange, et de celui que nous présentons. Il y a peu de mots auxquels, à la faveur de l’analogie, de la différente orthographe, des conversions de lettres, et des rapports directs ou indirects d’une signification à l’autre, nous n’eussions trouvé une étymologie ou vraie ou vraisemblable. Si nous n’étions pas arrivés précisément à la source, nous aurions pu nous flatter du moins d’en avoir approché le plus près qu’il étoit possible ; mais nous avons mieux aimé satisfaire l’impatience où nous sommes de donner aux Gens de Lettres, par la prompte publication de notre Ouvrage, les secours dont ils ont besoin pour la lecture de nos anciens Écrivains.

Uniquement occupés de notre objet essentiel, et comme renfermés dans notre sphère, nous laisserons à des mains plus habiles le soin d’élever l’édifice entrepris par le savant Ménage, d’en asseoir les différentes parties sur des fondements plus solides, et de le conduire à sa perfection.

On trouvera dans ce Glossaire des articles qui n’appartiennent point du tout à la Langue : je veux parler des noms propres et des noms de lieux corrompus et défigurés par nos vieux Écrivains, jusqu’à être méconnoissables. Nous avons quelquefois expliqué ces noms, d’autres fois nous avons simplement rapporté le texte, laissant au lecteur le soin de conjecturer. Il pourra lui-même rencontrer ces noms sous la même forme, ou sous une autre approchante, dans des lectures que nous n’aurons pas faites ; et peut-être qu’en joignant ces passages aux nôtres, il déterminera la signification. Enfin nous avons réuni sous les yeux du lecteur les différents temps de quelques verbes dont il lui auroit été difficile de former la conjugaison.

Malgré toutes nos attentions pour ne rien omettre de tout ce que peut desirer un lecteur curieux de s’instruire, attentions que bien des gens pourront trouver minutieuses et surabondantes, il arrivera peut-être que d’autre nous reprocherons de n’être point entrés dans un certain détail sur nos antiquités, sur nos anciennes mœurs et sur les divers usages de notre Nation. Ces articles dans le Glossaire Latin de Du Cange en sont la partie la plus riche et la plus précieuse ; mais c’est par cette raison même que nous pourrions nous disculper : cette portion si curieuse de notre Histoire, n’étoit pas connue de son temps, comme elle l’a été depuis la publication de son Glossaire et de ses Dissertations : il nous a laissé si peu de choses neuves à dire sur ce sujet, que nous n’aurions eu qu’à le traduire. D’ailleurs ces articles sont si peu de l’essence d’un Glossaire, que M. de Valois les reprochoit à l’Auteur comme des hors d’oeuvre. À Dieu ne plaise, que pour nous dispenser de suivre l’exemple de M. du Cange, et pour déguiser aux autres les bornes de nos connoissances, nous approuvions cette censure. Il n’y auroit pas moins d’ingratitude que d’injustice à l’adopter. Si cette surabondance du Glossaire Latin est un défaut, c’en est un dans lequel il n’appartenoit qu’à Du Cange de tomber : cette érudition que M. de Valois traitoit de déplacée et de superflue, est une source inépuisable d’instruction qui ne nous a presque jamais manqué, quand nous y avons eu recours. Que nous serions heureux d’avoir pu mériter de pareils reproches, et de n’en mériter aucun autre.



Ce prospectus date de 1756. Cependant plusieurs années s’étaient écoulées, et La Curne de Sainte-Palaye n’avait pas encore pu livrer son Glossaire à l’impression. Enfin, en 1763, il fit part à l’Académie de sa détermination de publier un ouvrage qui, selon ses expressions, avait été pendant quarante années le principal objet de ses études. Nous ne possédons pas ce discours, mais le Journal Historique sur les Matières du temps en renferme de nombreux extraits et donne une fidèle analyse des parties qu’il ne cite pas. Nous reproduisons cet article, qui parut dans la livraison du Journal Historique du mois de juillet 1763, sous le titre de : Extrait de la première partie de la Préface d’un Glossaire François, lue par M. de La Curne de Sainte-Palaye, à la Rentrée publique de l’Académie Royale des Belles-Lettres, d’après Pâques de cette année :

« Il y a long-tems que l’utilité d’un Glossaire François a été sentie de ceux qui veulent étudier notre histoire dans les sources. Que de trésors remplis des plus riches monumens sur les antiquités de notre