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en latin, anginaria poma. (Voy. Cotgrave, Nicot et Monet, Dict. — Dict. de l’Acad. Fr.) La signification figurée de poire d’angoisse est la même aujourd’hui que dans le XVe siècle. Le Poëte Villon se plaignoit de ce qu’en prison, il avoit mangé mainte poire d’angoisse. (Voy. Id. p. 40. — Molinet, p. 122.)

... Il n’a que poires d’angoisse
Au matin pour se desjeuner,
Qui tant le refroidist et froisse
Qu’il ne peut santé recouvrer.
Poës. de Charles D. d’Orléans, MS. du R. p. 43, col. 3.

variantes :
ANGOISSE. Orth. subsist. — Chron. St Denys, Rec. des Hist. de Fr. T. V, p. 311. — Aresta Amor. p. 19. — Cotgrave, Rob. Estienne, Nicot et Monet, Dict.
Angoesse. Joinville, p. 47.
Angouche. Dits de Baudoin de Condé, MS. de G. fol. 304.
Angousce. Fabl. MS. du R. no 7989, fol. 65, R° col. 1.
Angouse. Anc. Poës. fr. MS. du Vatic. no 1490, fol. 101, R°.
Angousse. Psautier, MS. du R. no 7837, fol. 146, R° col. 1.
Anguisse. Livres des Rois, MS. des Cordel. fol. 36, R° col. 2. — Vie de Ste Katerine, MS. de Sorbe chif. LX, col. 37.
Anguoisse. Livres des Machabées, MS. des Cordel. fol. 158.
Angusce. Athis, MS. fol. 99, V° col. 2 ; var. du MS. du Roi.
Engoisse. Rom. de Perceval, MS. de Berne, no 354, fo 212.
Engosse. Athis, MS. fol. 29 ; var. du MS. du Roi.
Enguisse. D. Carp. Sup. G. I. de Du Cange, T. II, col. 225.

Angoisser, verbe. Serrer de près, presser, opprimer. Presser, importuner, faire souffrir, affliger. Etouffer. On voit que ces acceptions du verbe angoisser, anguiscier, en latin angustiare, sont relatives à celles du substantif angoisse, anguisce. (Voy. Angoisse ci-dessus.)

Au premier sens, il signifioit opprimer. « La poeste as Reis ki mult vus travaillèrent e anguissèrent, etc. » (Livres des Rois, MS. des Cordel. fol. 12.) C’est une extension d’acception serrer de près, presser, proprement mettre à l’étroit.

... Son ami véoit à pié,
Et de mains homes anguiscié :
Si n’i osa plus atargier ;
Ains li mena le bon destrier, etc.
Athis, MS. fol. 110, V° col. 1 ; var. du MS. du Roi.

La signification de ce verbe est presser, importuner, tourmenter, dans ce passage. « Moult fu angoissiés par prière, que aucune chose en pressist. » (Chron. d’outre-mer, MS. de Berne, no 113, fol. 159. — Voy. Angoisseus.) On désignoit en général par le verbe angoisser, l’effet des passions physiques et morales qui nous pressent, qui nous font souffrir et nous affligent. (Voy. Angoisseus et Angoisseusement.)

Ne lui anuia pas cist mès
Por la fain qui formant l’angoisse.
Rom. de Perceval, MS. de Berne, no 354, fol. 213, V° col. 2.

... Cil cui jalosie engoise,
Cuidiez, fait-il, ne vos conoise ?
Ibid. fol. 214, Vo col. 1.

Péchiez me destraint et anguisse.
L’A. B. C. de Plantefolis, MS. de Gaignat, fol. 291, V° col. 3.

Amors est mestre qui me duist,
Qui dedens le cors m’art et cuist.
Il m’aprent tote sa nature,
Et si m’angousce sans mesure.
Fabl. MS. du R. no 7989, fol. 63, V° col. 2.

On est pressé de faire une chose, par l’instinct, par un désir naturel ou réfléchi. De là, on a dit :

.....Ces oysillons escoutant
Qui de chanter moult s’engoissoient
Par ces buissons qui florissoient, etc.
Rom. de la Rose, vers 104-106.

.... Despiecent pastez et froissent :
Le Dame et li Prestres s’angoissent
De verser vin à grand foison.
Fabl. MS. de St Germ, fol. 65, Vo col. 1.

D’assaillir l’un l’autre s’angoissent.
G. Guiart, MS. fol. 348, Vo.

Enfin, dans un sens analogue à celui d’angoisse, colère, étouffement, le verbe neutre angoisser a signifié étouffer. « De tant luy angoissa plus le cueur de despit et d’orgueil, de ce qu’il n’avoit pas apprins à recevoir telle honte. » (Chron. St Denys, T. I, fol. 226, V°.)

variantes :
ANGOISSER. Fabl. MS. de Berne, no 354, fol. 53, V° col. 2. — Chron. St Denys, T. I, fol. 226, V°. — Sagesse de Charron, p. 34. — Cotgrave, Oudin, Rob. Estienne, Nicot et Monet, Dict.
Angoissier. Fabl. MS. de Berne, no 354, fol. 27, V° col. 1.
Angouscer. Fabl. MS. du R. no 7989, fol. 63, V° col. 2.
Angouscier. Ibid. fol. 56, R° col. 2.
Angousser. Froissart, poës. MSS. p. 193, col. 2.
Anguiscier. Athis, MS. fol. 110, V° ; var. du MS. du Roi.
Anguisser. Livres des Rois, MS. des Cordel. fol. 12, R°.
Engoiser. Rom. de Perceval, MS. de Berne, fol. 214, V°.
Engoisser. Rom. de la Rose, vers 105.
Engosser. Fabl. MS. de S. Germ. fol. 80, V° col. 3.

Angoisseus, adj. Qui souffre. Qui fait souffrir. Qui presse, qui importune. On remarquera que la signification passive de l’adjectif angoisseus, formé du substantif angoisse, pris dans le sens général d’oppression, souffrance du corps, ou détresse de l’âme, est la plus ordinaire et peut-être la plus ancienne. « Quant vint le temps qe Eve devoit enfaunter, si fu mout anguissouse, e soffri mout grant travail e peyne. » (Hist. de la Ste Croix, ms. page 2. — Voy. Angoisse ci-dessus.)

Moult sui destroiz et engoissex.
Fabl. MS. de Berne, no 354, fol. 85, Vo col. 2.

Mes cors en est moult angousos.
Fabl. MS. du R. no 7989, fol. 51, Vo col. 1.

Pensis estoit et angousçous.
Ibid. fol. 50, Vo col. 2.

Dans le sens actif, angoisseus signifioit qui fait souffrir, qui cause de l’angoisse. (Cotgrave, Dict.)

D’angoisseulx deuil me veiz circonvenu.
Cretin, p. 38.

Il semble que l’acception d’angoisseus soit analogue à celle du verbe angoisser, presser, importuner, dans ces vers :

Et s’il trueve les poures angoisseus et constans,
Onques por ce ne soit d’aumosne repentans.
Fabl. MS. du R. no 7218, fol. 335, Ro col. 2.

On trouvera peut-être aussi vraisemblable que le mot constant ait signifié importun. Alors, angoisseus seroit passif comme au premier sens.