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Page:La Fare - Mémoires de Madame la Comtesse de la Bouquetière de Saint-Mars, 1884.djvu/39

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s’en tirer. Enfin il descendit et vint nous annoncer qu’il ne pouvait aller plus loin, qu’il allait dételer ses chevaux et aller à la découverte pour avoir des aides. Que faire dans cette cruelle position ? Passer la nuit dans une voiture toute ouverte, les glaces en ayant été cassées. Il fallait s’attendre à y mourir de froid ou bien à y être attaqués par les loups, qui sont très nombreux dans cette partie. Les voleurs pouvaient aussi venir nous assassiner pour s’emparer de nos effets. Mon mari ne me croyait pas en état de marcher et n’osait me proposer de quitter la voiture. Je ne suis pas plus brave qu’une autre femme, mais, dans les circonstances vraiment dangereuses, j’ai le courage d’un lion et la résignation la plus entière. Je dis donc à mon mari : « Il faut marcher. – Mais le pourrez-vous ? – Je souffrirai sans doute, mais n’importe. Je prendrai votre bras, ma femme de chambre prendra Henriette, et Alexandrine sera portée par Gervais. Il vaut mieux tout risquer en se sauvant que d’attendre une mort certaine, si nous passons la nuit auprès de cette forêt que nous venons de passer. »

Nous voilà en marche, abandonnant notre argent, nos effets les plus précieux. Mon mari se munit de ses deux pistolets de poche. Notre