Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/115

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y penser ; mais, après ce temps-là, songez bien à ce que vous me direz, et souvenez-vous que, si dans la suite je trouve que vous m’ayez trompée, je ne vous le pardonnerai de ma vie.

La reine me quitta après m’avoir dit ces paroles, sans attendre ma réponse. Vous pouvez croire que je demeurai l’esprit bien rempli de ce qu’elle me venait de dire. Les deux jours qu’elle m’avait donnés pour y penser ne me parurent pas trop longs pour me déterminer. Je voyais qu’elle voulait savoir si j’étais amoureux, et qu’elle ne souhaitait pas que je le fusse. Je voyais les suites et les conséquences du parti que j’allais prendre. Ma vanité n’était pas peu flattée d’une liaison particulière avec la reine, et une reine dont la personne est encore extrêmement aimable. D’un autre côté, j’aimais madame de Thémines ; et, quoique je lui fisse une espèce d’infidélité pour cette autre femme dont je vous ai parlé, je ne me pouvais résoudre à rompre avec elle. Je voyais aussi le péril où je m’exposais en trompant la reine, et combien il était difficile de la tromper : néanmoins, je ne pus me résoudre à refuser ce que la fortune m’offrait, et je pris le hasard de tout ce que ma mauvaise conduite pouvait m’attirer. Je rompis avec cette femme dont on pouvait découvrir le commerce, et j’espérai de cacher celui que j’avais avec madame de Thémines.

Au bout des deux jours que la reine m’avait donnés, comme j’entrais dans la chambre où toutes les dames étaient au cercle, elle me dit tout haut, avec un air grave qui me surprit : Avez-vous pensé à cette affaire dont je vous ai chargé, et en savez-vous