Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/160

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barras où vous vous êtes trouvée, et vous avez cherché le soulagement de vous plaindre avec quelque confidente qui vous a trahie. N’achevez point de m’accabler, s’écria-t-elle, et n’ayez point la dureté de m’accuser d’une faute que vous avez faite. Pouvez-vous m’en soupçonner, et, puisque j’ai été capable de vous parler, suis-je capable de parler à quelque autre ?

L’aveu que madame de Clèves avait fait à son mari était une si grande marque de sa sincérité, et elle niait si fortement de s’être confiée à personne, que M. de Clèves ne savait que penser. D’un autre côté, il était assuré de n’avoir rien redit ; c’était une chose que l’on ne pouvait avoir devinée : elle était sue ; ainsi il fallait que ce fût par l’un des deux : mais ce qui lui causait une douleur violente, était de savoir que ce secret était entre les mains de quelqu’un, et qu’apparemment il serait bientôt divulgué.

Madame de Clèves pensait à-peu-près les mêmes choses ; elle trouvait également impossible que son mari eût parlé, et qu’il n’eût pas parlé : ce qu’avait dit M. de Nemours, que la curiosité pouvait faire faire des imprudences à un mari, lui paraissait se rapporter si juste à l’état de M. de Clèves, qu’elle ne pouvait croire que ce fût une chose que le hasard eût fait dire ; et cette vraisemblance la déterminait à croire que M. de Clèves avait abusé de la confiance qu’elle avait en lui. Ils étaient si occupés l’un et l’autre de leurs pensées, qu’ils furent long-temps sans parler, et ils ne sortirent de ce silence que pour redire les mêmes choses qu’ils avaient déjà dites plusieurs fois, et demeurèrent le