Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/199

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qu’elle avait eue pour un autre qu’elle en était cause, l’horreur qu’elle eut pour elle-même et pour M. de Nemours ne se peut représenter.

Ce prince n’osa, dans ces commencements, lui rendre d’autres soins que ceux que lui ordonnait la bienséance. Il connaissait assez madame de Clèves pour croire qu’un plus grand empressement lui serait désagréable : mais ce qu’il apprit ensuite lui fit bien voir qu’il devait avoir long-temps la même conduite.

Un écuyer qu’il avait lui conta que le gentilhomme de M. de Clèves, qui était son ami intime, lui avait dit, dans sa douleur de la perte de son maître, que le voyage de M. de Nemours à Coulommiers était cause de sa mort. M. de Nemours fut extrêmement surpris de ce discours ; mais, après y avoir fait réflexion, il devina une partie de la vérité, et il jugea bien quels seraient d’abord les sentiments de madame de Clèves, et quel éloignement elle aurait de lui, si elle croyait que le mal de son mari eût été causé par la jalousie. Il crut qu’il ne fallait pas même la faire sitôt souvenir de son nom ; et il suivit cette conduite, quelque pénible qu’elle lui parût.

Il fit un voyage à Paris, et ne put s’empêcher néanmoins d’aller à sa porte pour apprendre de ses nouvelles. On lui dit que personne ne la voyait, et qu’elle avait même défendu qu’on lui rendît compte de ceux qui l’iraient chercher. Peut-être que ces ordres si exacts étaient donnés en vue de ce prince, et pour ne point entendre parler de lui. M. de Nemours était trop amoureux pour pouvoir vivre si absolument privé de la vue de madame de Clèves. Il résolut de trouver des moyens, quelque