Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/236

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quittait plus, et voulait reprendre tous ses droits méprisés.

La comtesse s’y opposa avec une force et une aigreur qui allaient jusqu’au mépris. Prévenue pour le prince de Navarre, elle était blessée et offensée de toute autre passion que de la sienne. Le comte de Tende sentit son procédé dans toute sa dureté ; et, piqué jusqu’au vif, il l’assura qu’il ne l’importunerait de la vie ; et, en effet, il la laissa avec beaucoup de sécheresse.

La campagne s’approchait : le prince de Navarre devait partir pour l’armée ; la comtesse de Tende commença à sentir les douleurs de son absence, et la crainte des périls où il serait exposé : elle résolut de se dérober à la contrainte de cacher son affliction, et prit le parti d’aller passer la belle saison dans une terre qu’elle avait à trente lieues de Paris.

Elle exécuta ce qu’elle avait projeté : leur adieu fut si douloureux qu’ils en devaient tirer l’un et l’autre un mauvais augure. Le comte de Tende demeura auprès du roi, où il était attaché par sa charge.

La cour devait s’approcher de l’armée : la maison de madame de Tende n’en était pas bien loin ; son mari lui dit qu’il y ferait un voyage d’une nuit seulement, pour des ouvrages qu’il avait commencés. Il ne voulut pas qu’elle pût croire que c’était pour la voir ; il avait contre elle tout le dépit que donnent les passions. Madame de Tende avait trouvé, dans les commencements, le prince de Navarre si plein de respect, et elle s’était senti tant de vertu, qu’elle ne s’était défiée ni de lui, ni d’elle-même ; mais le temps et les occasions avaient triomphé de sa vertu et du respect, et, peu de temps