Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/237

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après qu’elle fut chez elle, elle s’aperçut qu’elle était grosse. Il ne faut que faire réflexion à la réputation qu’elle avait acquise et conservée, et à l’état où elle était avec son mari, pour juger de son désespoir. Elle fut prête plusieurs fois d’attenter à sa vie : cependant elle conçut quelque légère espérance sur le voyage que son mari devait faire auprès d’elle, et résolut d’en attendre le succès. Dans cet accablement, elle eut encore la douleur d’apprendre que la Lande, qu’elle avait laissé à Paris pour les lettres de son amant et les siennes, était mort en peu de jours, et elle se trouvait dénuée de tout secours, dans un temps où elle en avait tant de besoin.

Cependant, l’armée avait entrepris un siège. Sa passion pour le prince de Navarre lui donnait de continuelles craintes, même au travers des mortelles horreurs dont elle était agitée.

Ses craintes ne se trouvèrent que trop bien fondées : elle reçut des lettres de l’armée ; elle y apprit la fin du siège, mais elle apprit aussi que le prince de Navarre avait été tué le dernier jour. Elle perdit la connaissance et la raison ; elle fut plusieurs fois privée de l’une et de l’autre ; cet excès de malheur lui paraissait dans des moments une espèce de consolation ; elle ne craignait plus rien pour son repos, pour sa réputation, ni pour sa vie ; la mort seule lui paraissait désirable ; elle l’espérait de sa douleur, ou était résolue de se la donner. Un reste de honte l’obligea à dire qu’elle sentait des douleurs excessives, pour donner un prétexte à ses cris, et à ses larmes. Si mille adversités la firent retourner sur elle-même, elle vit qu’elle les avait mé-