Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/238

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ritées ; et la nature et le christianisme la détournèrent d’être homicide d’elle-même, et suspendirent l’exécution de ce qu’elle avait résolu.

Il n’y avait pas long-temps qu’elle était dans ces violentes douleurs, lorsque le comte de Tende arriva. Elle croyait connaître tous les sentiments que son malheureux état lui pouvait inspirer ; mais l’arrivée de son mari lui donna encore un trouble et une confusion qui lui furent nouveaux. Il sut, en arrivant, qu’elle était malade ; et, comme il avait toujours conservé des mesures d’honnêteté aux yeux du public et de son domestique, il vint d’abord dans sa chambre. Il la trouva comme une personne hors d’elle-même, comme une personne égarée, et elle ne put retenir ses larmes, qu’elle attribuait toujours aux douleurs qui la tourmentaient. Le comte de Tende, touché de l’état où il la voyait, s’attendrit pour elle ; et, croyant faire quelque diversion à ses douleurs, il lui parla de la mort du prince de Navarre et de l’affliction de sa femme.

Celle de madame de Tende ne put résister à ce discours : ses larmes redoublèrent d’une telle sorte, que le comte de Tende en fut surpris et presque éclairé. Il sortit de sa chambre plein de trouble et d’agitation ; il lui sembla que sa femme n’était pas dans l’état que causent les douleurs du corps : ce redoublement de larmes, lorsqu’il lui avait parlé de la mort du prince de Navarre, l’avait frappé ; et, tout d’un coup, l’aventure de l’avoir trouvé à genoux devant son lit se présenta à son esprit : il se souvint du procédé qu’elle avait eu avec lui, lorsqu’il avait voulu retourner à elle, et enfin il crut voir la vérité ; mais il lui restait néanmoins ce