Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/89

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Guise s’offensa quasi de cette prédiction, comme si on l’eût accusé de devoir fuir. Descars ne fut guère satisfait de trouver qu’il devait finir par un accident si malheureux. Enfin, nous sortîmes tous très-mal contents de l’astrologue. Je ne sais ce qui arrivera à M. de Guise et à Descars, mais il n’y a guère d’apparence que je sois tué en duel. Nous venons de faire la paix, le roi d’Espagne et moi ; et, quand nous ne l’aurions pas faite, je doute que nous nous battions, et que je le fisse appeler, comme le roi mon père fit appeler Charles-Quint.

Après le malheur que le roi conta qu’on lui avait prédit, ceux qui avaient soutenu l’astrologie en abandonnèrent le parti, et tombèrent d’accord qu’il n’y fallait donner aucune croyance. Pour moi, dit tout haut M. de Nemours, je suis l’homme du monde qui doit le moins y en avoir ; et, se tournant vers madame de Clèves, auprès de qui il était : On m’a prédit, lui dit-il tout bas, que je serais heureux par les bontés de la personne du monde pour qui j’aurais la plus violente et la plus respectueuse passion. Vous pouvez juger, madame, si je dois croire aux prédictions.

Madame la dauphine, qui crut, par ce que M. de Nemours avait dit tout haut, que ce qu’il disait tout bas était quelque fausse prédiction qu’on lui avait faite, demanda à ce prince ce qu’il disait à madame de Clèves. S’il eût eu moins de présence d’esprit, il eût été surpris de cette demande ; mais prenant la parole sans hésiter : Je lui disais, madame, répondit-il, que l’on m’a prédit que je serais élevé à une si haute fortune que je n’oserais même y prétendre. Si l’on ne vous a