Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/148

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Quoique la galanterie et surtout l’amour parussent aux jeunes gens de la cour une espèce de ridicule, la présence de madame de Granson donnait le ton galant à toutes les conversations. Elle n’y prenait nulle part. M. de Canaple se condamnait devant elle au même silence ; et, lorsqu’elle n’y était pas, la crainte d’être deviné l’engageait encore à beaucoup de ménagement. Mais toutes ces considérations l’abandonnèrent, dans la chaleur d’une dispute où il était question des plaisirs de la galanterie et de ceux de l’amour. Il ne put endurer qu’ils fussent comparés ; et, sans se souvenir qu’il jouait dans le monde le rôle d’indifférent, il se mit à faire la peinture la plus vive et la plus animée de deux personnes qui s’aiment, et finit par assurer avec force qu’il ne serait pas touché des faveurs de la plus belle femme du monde dont il ne posséderait pas le cœur.

Où sommes-nous, s’écria M. de Granson ? Depuis quand le comte de Canaple connaît-il toutes ces délicatesses ? Le croiriez-vous, madame, dit-il à madame de Granson qui entrait dans ce moment ? ce Canaple, si éloigné de l’amour, est devenu son plus zélé partisan. Il ne veut point de galanterie, il veut de belle et bonne passion ; et, de la façon dont il en parle, en vérité, je le crois amoureux.

La vue de madame de Granson imposa tout d’un coup silence au comte de Canaple ; et, loin de répondre, il se reprochait comme une indiscrétion ce qu’il venait de dire. Son embarras aurait été sans doute remarqué, si M. de Châlons, qui était aussi chez M. de Granson, n’eût pris la parole : Je pense,