Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/149

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dit-il, comme M. de Canaple ; le plaisir d’aimer est le plus grand bonheur, et peut-être sentirait-on moins le malheur d’être trahi, sans la nécessité où l’on se trouve alors de renoncer à un état si doux. Mais, répliqua en riant M. de Montmorency, pourquoi vous faire cette violence ? Vous pouvez aimer tout à votre aise une maîtresse qui vous aura trompé ; personne n’y mettra obstacle, et j’ose vous assurer que votre félicité ne sera ni troublée ni enviée.

Vous en rirez tant qu’il vous plaira, dit M. de Châlons ; mais je pardonnerais volontiers, pourvu que je trouvasse, dans la sincérité du repentir et dans un aveu sans déguisement, de quoi me persuader que j’étais aimé, même dans le temps que j’étais trahi. Je sens qu’il y a une espèce de douceur à pardonner à ce qu’on aime ; c’est un nouveau droit qu’on acquiert d’être aimé ; et on en aime soi-même davantage.

Avec de pareilles maximes, vous n’avez garde d’être jaloux, dit M. de Granson. Du moins le suis-je très différemment de la plupart des hommes, répliqua-t-il, qui ne connaissent ce sentiment que par un amour-propre effréné. Le mien n’a rien à démêler avec les infidélités qu’on peut me faire ; elles n’affligent que mon cœur.

J’avoue, interrompit M. de Châtillon, qui n’avait point parlé jusque-là, que j’entends mal toutes ces distinctions de l’amour et de l’amour-propre ; je sais seulement que les femmes préféreront toujours un amant dont la jalousie sera pleine d’emportements, à tous vos égards et à toutes vos délicatesses.

Pourriez-vous pardonner, madame, dit-il à madame