Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/157

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gens de guerre, elle partit sur-le-champ. Son père, n’ayant pu la retenir, lui donna une escorte nombreuse : ils furent attaqués à diverses reprises par des partis ennemis qu’ils repoussèrent avec succès. L’idée de M. de Canaple se présentait souvent pendant la route à madame de Granson : l’incertitude où elle était de son sort, dont elle avait eu le courage de ne point s’informer, diminuait sa colère, et la disposait à avoir plus de pitié que de ressentiment.

Le troisième jour de sa marche, sa petite troupe, qui s’était affaiblie par les combats précédents, fut attaquée par des gens d’armes anglais, très supérieurs en nombre. Madame de Granson allait tomber dans les mains des vainqueurs, si un chevalier qui allait à Calais, ne fût venu à son secours. Il vit de loin le combat ; et, quoiqu’il fût accompagné de très peu de monde, il ne balança pas à attaquer les Anglais. Les Français, qui avaient été mis en déroute, reprirent courage, se rallièrent à lui, et l’aidèrent à vaincre ceux qui s’étaient déjà saisis du char de madame de Granson.

Le trouble où elle était ne lui avait pas permis de distinguer ce qui se passait ; et, prenant son libérateur pour son ennemi, lorsqu’il vint à son chariot ; Si vous êtes généreux, lui dit-elle d’une voix que la crainte changeait presque entièrement, mais qui ne pouvait jamais être méconnaissable pour celui à qui elle parlait, vous me mettrez promptement à rançon. Quoi ! s’écria-t-il, sans lui donner le temps d’en dire davantage ; c’est madame de Granson ! et c’est elle qui me prend pour un ennemi ! non, madame, vous n’en avez point ici, lui dit-il : tout ce qui vous environne est