Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/196

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me résoudre de quitter une femme que j’adorais, presque dans le moment où je venais d’être heureux, pour nous assurer à l’un et à l’autre la durée de ce bonheur.

Rien ne peut exprimer la tendresse de nos adieux ; je la repris vingt fois dans mes bras ; elle me baignait le visage de ses larmes ; elle me conjurait de ne la point quitter. Hélas ! que n’y ai-je consenti ! Combien me serais-je épargné de malheurs !

Madame de Mailly fut surprise, et ne fut point fâchée de me voir partir ; j’étais un témoin incommode pour le personnage qu’elle jouait ; peut-être même craignait-elle de ma part quelque trait d’indiscrétion ; car M. du Boulai, qui avait pris les impressions de sa mère, et qui en conséquence était jaloux de moi jusqu’à la fureur, mettait tous les jours ma patience à de nouvelles épreuves.

Mon père était toujours en Écosse ; j’allai le joindre sans me montrer à la cour. J’en fus reçu comme je l’avais espéré. Bien loin de désapprouver mon mariage, il ne songea qu’au moyen d’obtenir le consentement du roi. Les services qu’il venait de rendre dans la guerre d’Écosse, dont le succès était dû à sa valeur et à sa conduite, l’autorisaient à compter sur la complaisance du roi ; mais ses services lui avaient attiré plus d’envie de la part des courtisans, que de reconnaissance de la part du prince.

Édouard, séduit par leurs artifices, se persuada que mon mariage, qu’il ne croyait pas fait, cachait quelques desseins contraires à ses intérêts ; et, sans vouloir rien entendre, il me fit mettre dans une étroite prison. Ceux