Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/23

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tain que celui-là a un très-grand avantage sur ses rivaux, qui décrit des situations qui ont été les siennes, et des sentiments que lui-même a éprouvés. L’amour avait rempli et troublé une partie de la vie de madame de Tencin ; elle en employa l’autre à le peindre, et sans doute c’est dans sa propre expérience qu’elle a puisé cette connaissance parfaite des mouvements les plus secrets de la passion, des formes si variées sous lesquelles elle se cache ou se montre aux yeux ; en un mot, cette science du cœur que toute l’attention, toute la sagacité d’un observateur désintéressé ne pourraient jamais acquérir au même degré.

Le Comte de Comminge est sans contredit le plus parfait de ses romans. M. de la Harpe, après avoir parlé de la Princesse de Clèves de madame de la Fayette, dans les termes de l’admiration la plus vive et la mieux sentie, dit : « Il n’a été donné qu’à une autre femme de peindre un siècle après, avec un succès égal, l’amour luttant contre les obstacles et la vertu. Le Comte de Comminge peut être regardé comme le pendant de la Princesse de Clèves. » Quel jugement plus honorable et quel juge plus éclairé ? J’oserai pourtant ajouter que, si nul roman n’est plus attendrissant que le Comte de Comminge, nul aussi n’offre des leçons de vertu et de conduite plus fortes et en plus grand nombre. Quel tableau plus frappant des maux qu’entraînent les haines de famille, la dureté des parents qui combattent sans motifs légitimes l’inclination de leurs enfants, les mariages mal assortis et contractés avec répugnance, les coupables imprudences d’une passion que la raison ne règle pas ! Quel plus beau triomphe