Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/244

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je mourrai si vous n’avez la bonté de satisfaire mon impatience. Vous n’aurez pas longtemps à attendre, lui dit milord d’Arondel, nous voici chez madame de Warwick, où j’ai ordre de vous mener, et où je vous laisse.

Madame de Granson était seule avec une femme que madame de Warwick lui avait donnée pour la servir, lorsque M. de Canaple entra. Quoi ! madame, s’écria-t-il en allant à elle avec beaucoup de précipitation, et en se jetant à ses pieds, c’est vous ! c’est vous, madame ! l’univers entier serait-il digne de ce que vous avez fait !

Madame de Granson, mille fois plus interdite et plus embarrassée qu’elle ne l’avait encore été, baissait les yeux, gardait le silence, et tachait de se dérober aux empressements du comte de Canaple. Daignez me regarder un moment, madame, lui dit-il ; pourquoi me sauver la vie, si vous voulez que je sois toujours misérable ?

Puisqu’il fallait mourir pour sauver mon père, lui dit-elle enfin, c’était à moi de mourir. Ah ! madame, répondit-il pénétré de douleur, que me faites-vous envisager ? ce n’est donc que le devoir qui vous a conduite ici ? et comment ai-je pu penser un moment le contraire ? il vous en coûtait donc moins de renoncer à la vie, que de devoir quelque chose à ma mémoire ! Vous ne le croyez pas, lui dit madame de Granson, en le regardant avec des yeux pleins de douceur ; et peut-être aurais-je besoin de me justifier auprès de vous de ce que je fais pour vous !

Vous justifier, vous, madame, répliqua M. de Canaple